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02/10/2011

Henri Heine, 40 poèmes

Henri Heine, 40 poèmes, Diane de Vogüe, poèmes amoureux

De mes si grandes peines

J’ai fait de courtes chansons,

Elles élèvent leurs empennes

Et jusqu’à son cœur voleront.

 

Elles ont trouvé ma très chère,

Mais sont revenues pour gémir,

Gémissent et ne veulent pas dire

Ce qu’en son cœur elles ont découvert.

 

 Aus meinen grossen Schmerzen

Mach’ich die kleinen Lieder ;

Die heben ihr klingend Gefieder

Und flattern nach ihrem Herzen.

 

Sie fanden den Weg zur Trauten,

Doch kommen sie wieder und klagen,

Und klagen, und wollen nicht sagen,

Was sie im Herzen schauten.

 

 

Dans ma vie toujours trop sombre

Brillait une image aimée,

La douce image effacée

Je reste enveloppé d’ombres.

 

Les enfants quand vient la nuit

D’angoisse ont le cœur serré,

Mais ils chantent à grand bruit,

Leur frayeur est conjurée.

 

Et je suis un fol enfant,

Je chante dans l’ombre épaisse,

Mon chant n’est pas divertissant

Mais il libère ma détresse.

 

In mein gar zu dunkles Leben

Strahlte einst ein süsses Bild ;

Nun das süsse Bild erblichen,

Bin ich gänzlich nachtumhüllt.

 

Wenn die Kinder sind im Dunkeln,

Wird beklommen ihr Gemüt,

Und um ihre Angst zu hannen,

Singen sie ein lautes Lied.

 

Ich, ein tolles Kind, ich singe,

Jetzo in der Dunkelheit ;

Klingt das Lied auch nicht ergötzlich,

Hat‘s mich doch von Angst befreit.

 

Henri Heine, 40 poèmes, texte allemand, traduction de Diane de Vogüé, avant-propos de Robert d’Harcourt, éditions Debresse, 1956, p. 37 et 36, 53 et 52.

01/10/2011

Georg Trakl, L'automne du solitaire, dans Œuvres complètes

Georg Trakl, L'automne du solitaire, Marc Petit, Jean-Claude Schneider

                   L’automne du solitaire

 

L’automne sombre s’installe plein de fruits et d’abondance,

Éclat jauni des beaux jours d’été.

Un bleu pur sort d’une enveloppe flétrie ;

Le vol des oiseaux résonne de vieilles légendes.

Le vin est pressé, la douce quiétude

Emplie par la réponse ténue à des sombres questions.

 

Et, ici et là, une croix sur la colline désolée ;

Un troupeau se perd dans la forêt rousse.

Le nuage émigre au-dessus du miroir de l’étang ;

Le geste posé du paysan se repose.

Très doucement l’aile bleue du soir touche

Un toit de paille sèche, la terre noire.

 

Bientôt des étoiles nichent dans les sourcils de l’homme las ;

Dans les chambres glacées s’installe un décret silencieux

Et des anges sortent sans bruit des yeux bleus

Des amants, dont la souffrance se fait plus douce.

Le roseau murmure ; assaut d’une peur osseuse

Quand la rosée goutte, noire, des saules dépouillés.

 

Georg Trakl, Œuvres complètes, traduites de l’allemand par Marc Petit et Jean-Claude Schneider, Gallimard, 1972, p. 107.