24/06/2019
Anne Parian, Les Granules bleus
(…) un mammifère, aussi petit soit-il, peut toujours nous rappeler la mère qui peut-être nous allaita, et cela ne laisse que peu d’entre nous indifférents, particulièrement pas dans l’élaboration des moyens de l’occire. Contre la crainte d’un possible attachement, on préfère pour lui des moyens rapides, silencieux, aveugles ; empoisonnement, noyade, étouffement, quant à l’inverse on aurait mieux joui des effets de la cruauté par un engagement plus entier et plus incisif.
Ainsi pour la souris, et différemment pour le rat plus gros, les moyens sont variés mais visent surtout à éviter la reproduction, car la mère est envahissante et peut potentiellement envahir et s’étendre et peupler sans limite le réduit même où nous ptétendions demeurer le plus tranquillement possible, aussi longtemps qu’il faudrait pour l’oublier, ne plus s’en tenir à ce qu’elle dirait, à la promesse qu’entre ce que l’on dit et ce que l’on fait, ce que l’on ferait, ce que l’on voudrait faire, ce que l’on pourrait faire, ce que l’on devrait faire, ce que l’on saurait faire, ce qu’il y aurait à faire, il y aurait un lien indéfectible. Ne plus tenir au lien entre dire et faire, entre ce que l’on voudrait dire, ce que l’on pourrait dire, ce que l’on saurait dire, ce que l’on aurait à dire, ce que l’on ferait dire, et ce que l’on ferait. Ce que l’on promet que l’on ne peut tenir, il n’y a pas d’autre moyen de le faire, je le sais.
Anne Parian, Les Granules bleux, P.O.L, 2019, p. 12-13.
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