25/09/2016
Jules Supervielle, Le Corps tragique
Amour
Venant de tours indifférentes
Les regards des guetteurs s’échappent.
L’amour de l’homme et de la femme
Naît dans des citernes sans âme.
Combien faut-il d’obscurité
Avant que s’affrontent les corps
Tâtonnant vers leurs nudité
Et leurs plus obstinés trésors.
Les deux êtres soudain tout proches
Dardent leurs anguilles sous roche
Et, de feu sous les chastes cieux,
Croisent le fer voluptueux.
Les deux marées mâle et femelle
Rompent les digues de leur nuit
Formant un seul torse rebelle
Qui ruisselle de barbarie
Jusqu’à ce que le long des corps
Les mains lasses miment la mort.
Jules Supervielle, Le Corps tragique, dans
Œuvres complètes, édition Michel Collot,
Pléiade/Gallimard, 1996, p. 603.
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