29/06/2014
Aragon, La Grande Gaîté [1929]
Art poétique
On me demande avec insistance
Pourquoi de temps en temps je vais à
La ligne
C'est pour une raison
Véritablement indigne
D'être cou
Chée par écrit
Les derniers jours
Les philosophes les artistes
Les crémiers les gens très bien
Sont tombés dans le précipice
Pas besoin d'enterrement
Plus de théories de peinture
Le monde en reste désolé
Heureusement que pour se distraire
On a la Radiophonie
Partie fine
Dans le coin où bouffent les évêques
Les notaires les maréchaux
On a écrit en lettres rouges
DÉGUSTATION D'HUÎTRES
Est-ce une allusion
On me fait remarquer que c'est pitoyable
Ce genre de plaisanterie
Et puis c'est mal foutu paraît-il
En tant que Poème
Car pour ce qui touche à la Poésie
On sait à quoi s'en tenir
Mais je n'ai pas fini de prendre en mauvaise part
Tout ce qui touche à la flicaille à la militairerie
Et plus particulièrement croa-croa aux curetages
Je n'ai pas assez le goût des alexandrins
Pour me le faire par-donner pan pan pan pan
Mais ici même si on ne sait d'où elle tombe
D'où tombe-t-elle d'ailleurs D'ailleurs
Il me plaît d'opposer à la clique des têtes à claques
Une femme très belle toute nue
Toute nue à ce oint que je n'en crois pas mes yeux
Bien que ce soit peut-être la millième fois
Que ce prodige s'offre à ma vue
Ma vue est à ses pieds
Son très humble serviteur
Aragon, La Grande Gaîté [1929], dans Œuvres poétiques
complètes, I, édition sous la direction d'Olivier Barbarant, Pléiade, Gallimard, 2007, p. 407, 408, 411-412.
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