29/09/2013
Constantin Cavafy, Jours de 1908
Jours de 1908
Il s'est retrouvé cette année-là sans travail ;
il vivait donc des cartes,
du trictrac et des prêts.
Une place, à trois livres par mois, dans une petite
papeterie lui avait été proposée.
Mais il la refusa sans hésiter.
Ça n'allait pas. Ce n'était pas un salaire pour lui,
jeune homme assez instruit, âgé de vingt-cinq ans.
À peine s'il gagnait par jour deux shillings, ou trois.
Que tirer de plus, pauvre garçon, des cartes et du trictrac
dans les cafés populaires de son rang,
même s'il jouait habilement, même s'il choisissait pour partenaires
des sots.
Quant aux prêts, n'en parlons pas.
Il obtenait rarement un thaler, c'était un demi-thaler le plus souvent,
il devait même parfois se contenter du shilling.
Pour une semaine quelquefois, ou davantage,
délivré des effrayantes veillées,
il allait se rafraîchir aux bains, nager le matin.
Ses vêtements étaient dans un état minable.
Il portait un costume, toujours e même, un costume
couleur cannelle, très fané.
Ah, jours de l'été mille neuf cent huit,
votre vision idéale, esthétisée,
fait abstraction du costume couleur cannelle, très fané.
Votre vision l'a gardé
tel qu'au moment de s'en défaire, d'enlever
les vêtements indignes, les sous-vêtements reprisés.
Tout nu ; parfaitement beau ; une merveille.
Les cheveux négligés, un peu ébouriffés ;
les membres légèrement hâlés
d'aoir été nus sur la plage, aux bains.
Constantin Cavafy, traduit du grec par Maria Tsoutsoura, dans
Europe, "Constantin Cavafy", n° 1010-1011, juin-juillet
2013, p. 66-67.
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