04/08/2013
André Frénaud, Il n'y a pas de paradis
Si l'amour fut
Mon amour, était-ce toi ou mon seul élan,
le nom que ma parole a donné à son désir.
As-tu existé, toi l'autre ? Était-il véritable,
sous de larges pommiers entre les pignons,
ce long corps étendu tant d'années ?
L'amour a-t-il été un vrai morceau du temps ?
N'ai-je pas imaginé une vacance dans l'opaque ?
Étais-tu venue, toi qui t'en es allée ?
Ai-je été ce feu qui s'avive, disparut ?
Tout est si loin. L'absence brûle encore la glace.
Les ramures de mémoire ont charbonné.
Je suis arrêté pour jusqu'à la fin ici,
avec un souvenir qui n'a plus de figure.
Si c'est un rêve qu'éternel amour,
qu'importe j'y tiens.
J'y suis tenu ou je m'y trouve abandonné.
Désert irrémédiable et la creuse fierté.
Quand tu reviendras avec un autre visage,
je ne te reconnais pas, je ne sais plus voir, tout n'est rien.
Hier fut. Il était mêlé de bleu et frémissait,
ordonnancé par un regard qui change.
Une chevelure brillait, violemment dénouée,
recomposée autour de moi, je le croyais.
Le temps remuait parmi l'herbe souterraine.
Éclairés de colère et de rire, les jours battaient.
Hier fut.
Avant que tout ne s'ébranlât un amour a duré,
verbe qui fut vivant, humain amour mortel.
Mon amour qui tremblait par la nuit incertaine.
Mon amour cautionné dans l'œil de la tempête
et qui s'est renversé.
André Frénaud, Il n'y a pas de paradis, Poésie / Gallimard,
1967, p. 174-175.
Publié dans ANTHOLOGIE SANS FRONTIÈRES, Frénaud André | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : andré frénaud, il n'y a pas de paradis, amour perdu, mélancolie, lyrisme | Facebook |
Les commentaires sont fermés.