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21/07/2013

Jean Tardieu, Margeries

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         Vraiment, vous perdez le sens !

 

Préférer ? Préférer ? Bon Dieu ! Pré-fé-rer ?

Qu'est-ce ce que ça veut dire ? Un pré, un

fer, une fée ? Et finir par un ré ?

 

     Plus je répète ces syllabes, plus je

m'étonne et m'enchante, me déconcerte et

m'égare. Tantôt le mot est vide de tout

sens, tantôt il s'ouvre à tous vents.

 

     Tantôt transparent et désert, tantôt

plein et opaque, une bulle ou une autre, tantôt

un sac magique, un chapeau d'où l'on

peut faire surgir toutes sortes de choses :

un ballon un œuf une colombe un gobelet.

 

    Quoi ! Irais-je préférer un ballon

à un œuf, une colombe, un gobelet ?

     Qui vous l'a dit ? cela n'a aucun sens.

Donc je ne préfère rien.

Je m'arrête de préférer.

J'aime mieux ne rien préférer.

 

Jean Tardieu, Margeries, poèmes inédits 1010-1985,

                          Gallimard, 1986, p. 289.

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