29/09/2011
Alain Veinstein, Voix seule
Un pas
À mesure que je m’enfonce
je n’ai rien tant à cœur
que la vérité.
Mais quoi que je fasse et dise,
pas de pas gagné
qu’il soit possible de tenir :
tous les témoins sont morts
et je reste seul en scène
à tenir un rôle
que les vrais mots de l’enfance
feraient voler en éclats.
Jour
Le seul jour jusqu’ici
je l’ai éclairé
à coups de pelle. Souvenez-vous.
Malgré les éclats de rire
et le effets de cruauté,
la pelle
m’a appris la vie.
Je lutte ici même contre l’envie
de la reprendre
et d’ensanglanter avec fureur
la terre épuisée par la brume.
Où es-tu ?
Parti pour ne pas revenir,
ne plus être
père,
père, jamais
et pourtant
les deux bras tendus,
je brandis
une couronne de roses
et je crie :
je suis ton enfant,
celui que tu berçais dans tes bras,
prêt à se faufiler, si Dieu le veut,
comme un rat dans ta tombe.
Et pourtant, nous ne nous reverrons plus,
nous avons, toi et moi, des visages sans avenir.
Le ciel est froid et sombre
contre mon dos.
Il ne manquerait plus que le vent se lève
sur le petit tas brillant
que j’appelais père
il y a à peine un instant.
Alain Veinstein, Voix seule, Fiction & Cie, Seuil, 2011, p. 59, 91 et 122.
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