30/09/2011
Jean Tortel, Appareil de la terre
L’odeur des vieux papiers se fait plus âcre, les modulations des oiseaux plus ténues. Les pêcheurs au bord de la rivière s’apprêtent à quitter, remisant leur attirail. Une auberge désaffectée conserve une seule habitante. À la fenêtre apparaît sa silhouette ancienne. Elle reste désemparée parce que ce morceau de pâté, que répudierait le médecin des pauvres, sent déjà fort, mais elle décide pourtant de la manger en le faisant revenir à la poêle. Des voix ne lui font plus peur : celle du forgeron, du distillateur, de l’émondeur qui, par leurs romances, ornent ses jours, maintenant, comme ils pensent avec elle, comptés, mais ne le furent-ils pas toujours au plus juste dès sa naissance, un jour de plein soleil.
Plainte
Ce jour-là une femme dit :
Qui veut me porter mon fils
il est lourd et la nuit revient.
O temps des légumes terreux
rouges ou verts
des navets vineux
dans un jardin bordé d’épines
sous un ciel de silence accepté
temps que je n’ai plus
pourtant ce monde reste réel
et j’aime à voir sa beauté.
Jean Tortel, Appareil de la terre, Gallimard, 1964, p. 17 et 64.
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