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16/07/2011

Max Jacob, L'homme de cristal

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         Mort d’un musicien

 

Éclataient ses chants d’un visage estival

sur le saule à genoux et sur l’orme à cheval

sur les recoins luisants de l’horizon

comme le bruit d’un avion

sur le saule tout droit empanaché

et sur les peupliers, sur les buissons hachés.

Mort ! les cordes de chair et d’amiante !

que son génie déçu à la face dorée

de sa hanche en mouvant laissa s’évaporer.

Les cordes complotaient entre elles, encore vibrantes,

comme font les enfants quand leur mère est absente,

et volettent encore les chansons qui se taisent

effluant de la ressource des genèses.

 

La lyre s’allonge malhabile : c’est une femme.

La lyre dépérit quand la main la repousse.

Voilà Sa Majesté, sans rythme sur la mousse :

«  À notre crainte morte il arrache notre âme

Où est son harcelante main, e Tarpéien ?

N’at-il plus faim de nos désirs ? de ses desseins ?

Vois que sourd-muette, aveugle, tu fais ce que nous sommes

et encore ivres de chloroforme et d’opium. »

C’est ainsi que l’amour ailleurs accaparé

parle encore à l’Amour dont il est séparé.

 

Une main s’égara qui n’avait point de bras

zn glissant sur les cordes comme un boa

sur les cordes heureuses, joua dans les ténèbres,

créa par un génie du ciel un air funèbre.

 

Max Jacob, L’homme de cristal, nouvelle édition revue et augmentée, liminaire par Pierre Albert-Birot, Gallimard, 1967, p. 47-48.

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