06/08/2013
André Frénaud, Hæres, poèmes 1968-1981
Rumination du paysan
Je veux grossir pour défendre ma vie.
Contre la mort il faut prendre du poids,
il me faut boire des six litres
et pisser,
pour ma santé,
pour honorer ma santé et ma vie.
Il me faut vivre pour accroître mon bien,
peser les bêtes, arroser les clôtures,
renforcer les semences, affûter les outils,
bourrer le temps.
Mais le dimanche, on peut fanfaronner
avec l'alouette et la violette.
1959
Marmonnement du petit vieux
Cache-toi
Couve tes maladies.
Le soleil ne te veut pas de bien.
Descends dans la cave.
On pourrait te les prendre.
Profites-en tout seul...
Tu risquerais d'y voir clair.
N'aie pas peur... Un jour
Tout ça finira bien par éclater.
Bouche innocente
Au bon petit cheval, ainsi se glorifiait
la boucherie hippophagique... Et aussi bien,
ne pouvait-il manquer d'être satisfait, l'innocent,
d'être mort et mangé, et dans le poids d'un homme.
Rue Vieille-du-Temple
André Frénaud, Hæres poèmes 1968-1981, Gallimard, 1982, p. 105, 106, 111.
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