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10/03/2019

Antoine Emaz, Cuisine

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La « poésie » va prendre en charge ce que le récit classique ne peut porter, peut-être parce qu'il ne s'agit pas de fiction. Quelques chose l, comme si travailler dans le vrai interdisait le récit, parce qu'un poète n'est pas un autobiographe narcissique ou exhibitionniste et qu'il sait que la poésie est et n'est pas un confessionnal. Donc on va avec le récit, on le détourne, on le déboîte, le défait, on le déstructure, le pousse aux limites... plus rien n'est reconnaissable mais tout est dit. Ce cœur noir moteur, c'est lui qui pulse. En poésie, quand on sait lire, l'urgence est palpable, la nécessité de dire évidente. Cela peut être plus ou moins masqué par le dispositif d'écriture qui est à la fois un mode d'exposition et un mode de défense, mais c'est bien un cœur ouvert, au bout. L'enfant qui pleurede Reverdy.

 

En poésie, ce qui est dit est l'affleurement lisible de ce qui est tu : la vague / les profondeurs de la mer.

 

Dans tout ce que je note au jour le jour, cette piétaille de lignes, je ne vois pas bien en quoi je suis poète. Je note seulement ce que d'ordinaire on ne retient pas, espérant que tel ou tel détail sera révélateur, qu'il portera un peu plus que seulement lui-même.

 

Antoine Emaz, Cuisine, publie.net, p. 31, 35, 50.

15/07/2017

Christian Prigent, Ça tourne, notes de régie (2)

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[À propos de Météo des plages]

 

Avril 2009

 

Ce qui me reste d’un « savoir » ( ?) du spécifique ( ??) du « poétique » ( ???)

 

Le langage poétique travaille avec les dimensions « non-figuratives » de la langue (graphique de la lettre, rebonds du son, tonicité des rythmes, mesure mathématique des scansions, portée respiratoire du phrasé).

Il vise à ressembler (ou résumer) ,son énergie non pas en une image descriptive, mais en une sorte de chiffre blasonné (Diderot disait : de hiéroglyphe) des contenus qu’il invoque : tel est le « poème ».

Il ne se contente pas de « dire », mais il fait ce qu’il dit : la forme fait (le) sens (leçon de Ponge de Pour un Malherbe, dans la suite de Mallarmé).

Ce qu’il « représente » (le « réel » qu’il verbalise) n’est pas ce qu’il « figure » (scènes, corps, sites, émotions : « sujets »).

Il va toujours vers la source de la « poésie » en lui (et ce « retour amont » est précisément ce qu’en définitive il « représente »).

Ce faisant il pointe plus généralement la « cause » énigmatique de la poésie. Un poème est une tentative de répondre à la question pourquoi il y a « de la poésie » plutôt que rien.

Soit : ce qu’un poème représente (quel que soit par ailleurs le développement composé de son « sujet ») est la cause de la poésie: l’innommable que la poésie tente envers et contre tout de nommer.

 

Christian Prigent, Ça tourne, notes de régie, L’Ollave, 2017, p. 58.