04/07/2016
André du Bouchet, Orion
Orion aveugle à la recherche du soleil levant : la figure venue de droite, verte, qui fait silencieusement irruption dans le grand paysage du Metropolitan Museum demeure, sur l’instant, inapparente. On l’appréhende, car elle en occupe toute la hauteur, sans la discerner. Ce n’est qu’un arbre en marche parmi les arbres. Les dieux se retirent. D’autres puissances règnent, déjà frappées : la peinture de Poussin marque volontiers un tel moment. À l’échelle de la nature alors figurée, sans être retranchés du monde des piétons, tout concourt à leur évanouissement comme à leur résurgence. De vastes formes telluriques surplombent, dominent, traversent la terre — à la fois plus diffuses et moins vagues que les nuages, puisqu’elles précipitent en même temps l’acquis de l’histoire humaine — avant de se résoudre, loin des dieux évanouis, dans cette même terre qu’elles foulent. Leur immersion parachevée, les assises de ce théâtre de nues, de montagnes et de fleuves paresseux se dénouant, chez Poussin, dans un infini sans vapeurs, demeurent irréductibles.
André du Bouchet, Orion, Deyrolle, 1999, p. 11-12.
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