15/02/2019
Philippe Soupault, Georgia, Épitaphes, Chansons,
Mais vrai
Sa vie fut un calvaire sa mort romantique
Sa mère était trombone son enfant asthmatique
Les métiers les moins sots ne sont pas les meilleurs
Nous l’avons tous connu il était métallique
Sa fille préférée s’appelait Mélancolique
Un nom occidental qui flattait les tailleurs
Avide comme un pou sans aucun sens critique
Il se mordit les doigts brûla toute sa boutique
C’est du moins ce qu’affirment ses amis rimailleurs
Cette histoire nous vient d’Amérique
Elle pourrait venir d’ailleurs
Philippe Soupault, Georgia, Épitaphes, Chansons,
Poésie / Gallimard, 1984, p. 215.
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15/10/2013
Philippe Soupault, Rose des vents
Étoile de mer
à Marcel Herrand
On étouffe dans la chambre
Crois-tu
Au loin il y a la gare qui hurle
Je m'en irais à Toronto
Une brise souffle dans les rideaux
On voit la mer au-dessus des toits
le train va partir tout à l'heure
l'horloge ralentit
Il faut faire oublier le soleil ou la pluie
la fenêtre n'est pas fermée
je prendrais ma canne et mon grand manteau vert
Il neige encore à Vancouver
J'ai ton billet et ton sac
Laisse mourir ceux qui s'accrochent
Nous doublerons le cap Horn
l'horizon est invisible
Nos yeux s'agrandissent
La Grande Roue vient de s'arrêter
Philippe Soupault, Rose des vents, Au Sans Pareil, 1920,
non paginé ; reprint USA.
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04/11/2011
Philippe Soupault, Georgia, Épitaphes, Chansons
Frères aveugles
Pensez à tous ceux qui voient
vous tous qui ne voyez pas
où vont-ils se laissez conduire
ceux qui regardent leur bout de nez
par le petit bout d'une lorgnette
Pensez aussi à ceux qui louchent
à ceux qui toujours louchent vers l'or
vers la mer leur pied ou la mort
à ceux qui trébuchent chaque matin
au pied du mur au pied d'un lit
en pensant sans cesse au lendemain
à l'avenir peut-être à la lune au destin
à tout le menu fretin
ce sont ceux qui veillent au grain
Mais ils ne voient pas les étoiles
parce qu'ils ne lèvent pas les yeux
ceux qui croient voir à qui mieux mieux
et qui n'osent pas crier gare
Pensez aux borgnes sans vergogne
qui pleurent d'un œil mélancolique
en se plaignant des moustiques
Pensez à tous ceux qui regardent
en ouvrant des yeux comme des ventres
et qui ne voient pas qu'ils sont laids
qu'ils sont trop gros ou maigrelets
qu'ils sont enfin ce qu'ils sont
Pensez à ceux qui voient la nuit
et qui se battent à coups de cauchemars
contre scrupules et remords
Pensez à ceux qui jours et nuits
voient peut-être la mort en face
Pensez à ceux qui se voient
et savent que c'est la dernière fois
Philippe Soupault, Georgia, Épitaphes, Chansons, préface de Serge Fauchereau, Poésie / Gallimard, 1984, p. 254-255.
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