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19/04/2016

Robert Pinget, Mahu ou le matériau

 

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                                Le chèque

 

   Un chien se présente au couvent de Sainte-Fiduce. Il demande à la bonne sœur de faire des prières pour que son maître le retrouve. Son maître l’a perdu un jour à la chasse et depuis personne n’en a entendu parler. Mais lui, il a rôdé sans cesse jusqu’à cette idée de prières.

   La bonne sœur le fait attendre au parloir. Elle revient quelques instants après et lui dit que la Mère Supérieure ne veut pas entendre parler de prières pour les chiens. Inutile d’insister. Les dernières faites au couvent contre la règle l’ont été pour une chèvre. Des ennuis épouvantables en sont issus. Cette chèvre apparaissait à tout propos, un peu partout, dans des attitudes pieuses, et vraiment ça n’était pas convenable. On finissait dans le pays par la confondre avec sainte Fiduce elle-même qui, comme chacun sait, apparaît souvent.

   Le chien à ces paroles rougit, rougit, rougit. La bonne sœur lui demande ce qu’il a. Et lui, naïvement, lui dit qu’il a été cette chèvre assez longtemps. Qu’il n’y pouvait rien, qu’il espérait retrouver son maître plus facilement sous cette forme. « Mon maître m’a perdu en chassant le jour de la Toussaint. »

[...]

 

Robert Pinget, Mahu ou le matériau, éditons de Minuit, 1952, p. 82-83.