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28/12/2013

Jean Tardieu, Une Voix sans personne

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             Les femmes de ménage

 

Le ciel c'est moi Je sais que mes pauvres étoiles

par le chagrin du temps longuement attendries

vieillissent par degré Ce sont elles que je vois

silencieuses anonymes les genoux pleins de poussière

tôt le matin laver l'escalier quand je viens

accrocher aux murs gris de l'éternel Bureau

mon avare sommeil mes réserves de songe

à l'arbre qui vieillit aussi dans le jardin

'ai dit cent fois j'ai dit mille fois : je connais

j'ai dit : je sais je me souviens c'était hier

tout l'espace ! Ma vie est là dans vos ramures

ma vie est là dans les dossiers ma vie est là

qui s'en va par le téléphone et qui me parle

ma vie est là dans les portes ouvertes

sur le crépitement des lampes le soir

 

                                                          Ah oui

vieilles vieilles étoiles, blancs cheveux poussière

femmes de pauvre ménage de l'aube

puisque c'est moi qui vous le dis je vous protège

nous vieillissons ensemble J'ai compris je sais tout

d'avance car le ciel c'est moi Il faut attendre

et se taire comme tout se tait, je vous le dis.

 

 

Jean Tardieu, Une Voix sans personne, Gallimard, 1954, p. 15-16.