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09/05/2012

James Sacré, Si les felos traversent par nos poèmes ?

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                                 I

 

Il y a des noms de villages. De l'ordre dans les champs.

Paysans-masques pour tout chambouler, les voilà

Puis les voilà partis :

Ça se défait d'un coup le carnaval, et comment

C'est là tous les ans, pourquoi ?

Si c'est juste pour que

Tout l'monde un peu rigole ou si

De la vérité soudain te bouscule ?

Pour aussitôt

T'abandonner, silence : le fond d'un pré continue

Ou tel coin de grenier que personne y va plus.

 

Même à l'occasion des grands défilés fêtards

Organisés tenus selon que c'est prévu,

Bâle ou Rio, Nice et partout, ça s'en va comme à côté :

Un fifre et deux tambours tournent

Le coin de la rue

(Tant pis, t'auras pas ta photo !) ou fifre tout seul

Avec son costume et sa façon têtue

D'avancer dans la ville jusqu'à on se demande, et ça sera

Qu'un retour à la maison, le masque ôté, plus rien.

Si la fête au loin continue ?

 

Par les chemins de Galice on voit

Les paysans felos

S'en retourner dans les champs

Après qu'il est passé le carnaval,

Passé selon les règles et pas de règles et pas sûr que c'était

Si grande fête au village : façon plutôt de penser

À ça qu'on a perdu, et savoir

Si personne l'a jamais vécu ?

 

Je pense à des carnavals qui m'emportent

Et qui n'existent plus

Où moi j'ai vécu. Je voudrais venir

Dans un costume de mots

Pour dire à mon village

Qu'on se demande encore, à des endroits qui lui ressemblent

(Châtaigniers, la pluie, quelques paysans),

D'où on vient, qui on est ? Personne a jamais trop su,

Quel sens et pas de sens

En de vieux gestes continués

Parmi ceux de la modernité ?

 

[...]

 

James Sacré, Si les felos traversent par nos poèmes ?, photographies d'Emilio Arauxo et James Sacré, éditions Jacques Brémond, 2012, p. 8-15.

© Photo Tristan Hordé