03/11/2024
Jean Tardieu, Monsieur monsieur
Que dire, quoi penser ? Le jour
par son insistance à paraître,
avouons-le avouons-le
fatigue ses meilleurs amis.
La nuit par contre, sournoise,
à tous nos instants se mélange
elle bat sous nos paupières
elle rampe autour des objets :
inquiétante ! inquiétante !
quant à cette chose sans nom
qui n’est ni le jour ni la nuit
baissez la voix je vous le conseille
mieux vaut n’en point parler ici !
Jean Tardieu, Monsieur monsieur, dans
Œuvres, Gallimard, Quarto, 2015, p. 346.
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15/05/2013
Guy Goffette, Solo d'ombres
La femme infranchissable
1
La femme qui s'inverse dans
l'azur
sur l'ordre d'un invisible amant
que dit-elle
qu'on ne peut entendre
qui cependant creuse
un chemin dans mes yeux
2
Croise et décroise tes
jambes sanguine image du
désir
j'attendrai ce qu'il faudra je
grandirai avec
les marges
3
À chacun suffit
le jour à venir
le soleil après la pluie
l'air bleu de la femme
au bout du champ
L'enfant seul griffonne
l'envers des images
4
Debout la nuit
j'invente
la femme à sa place
les mots qu'elle prononce
dans ma bouche
me tiennent à merci
[...]
Guy Goffette, Solo d'ombres, Ipomée, 1983,
p. 129-132.
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04/04/2013
Aurélia Lassaque, Pour que chantent les salamandres
Saint Jean Le Jour
La grange dressée à la frontière des saisons répand son parfum d'herbe chaude.
Les jeunes chevaux piaffent et se font la guerre pour le plaisir de mêler le sueur de leurs corps au goût du premier sang.
Dans les maisons aux volets clos le bois grince
et gonfle d'impatience.
Les hommes, entre hommes, retrouvent leur nature.
On coupe le vin avec des glaçons
pour tromper la clarté du jour
figé comme un tombeau dans le désert.
Le soleil au zénith absorbe le mouvement de la marmaille soudain farouche.
Sant Joan Lo Jorn
La granja quilhada a la termièra de las sasons liura sa flaira de bauca cauda.
Los cavals joves trepejan e se fan la guèrra pel plaser de mesclar la susor de ors còsses al tast del primièr sang.
Dins los ostals de las tampas clausas, la fusta carrinca e se confla d'impaciéncia.
Los òmes, entre òmes, retròban lor natura.
Se còpa lo vin amb de glacets
per enganar la clartat del jorn
calhat coma un tombèl dins l'èrm.
Lo solelh al zenit embeu l'anar de la mainada enferonida.
Aurélia Lassaque, Pour que chantent les salamandres, texte occitan /français, éditions Bruno Doucey, 2013, p. 8-13.
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