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17/06/2018

Lionel Ray, Les métamorphoses du biographe

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                                                                la dernière nuit

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La dernière nuit  on disait encore « c’est tout simple »

sans protester on poussait sa charrette sur un

carreau où l’œil nu s’effondre brusquement on sait

pour quelques instants s’appuyer à tous les zincs

avec la faune des écaillers et ça plaisante

hors du domaine public sans habillement

les maraudeuses entre les cageots déracinées

de l’Étoile avaient le visage en sang

Les marginaux assis n’étaient plus sûrs de rien

Toutefois les pieds énormes feront plus loin des rondes

On verra tout est prêt la rue de Carpentras

L’allée de la Cossonnerie neuf bâtiments

Pour les fruits et légumes sans aucune tradition

Mais les camions du négoce ne quitteront pas

La rue Rambuteau sans la grosse Germaine qui

« Travaille pas nous autres seul’ment sur les touristes »

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Lionel Ray, Les métamorphoses du biographe, Gallimard, 1971, p. 65.

04/01/2013

Paul Éluard, Dignes de vivre

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                La dernière nuit

 

                           I

 

Ce petit monde meurtrier

Est orienté vers l'innocent

Lui ôte le pain de la bouche

Et donne sa maison au feu

Lui prend sa veste et ses souliers

Lui prend son temps et ses enfants

 

Ce petit monde meurtrier

Confond les morts et les vivants

Blanchit la boue gracie les traitres

Transforme la parole en bruit

 

Merci minuit douze fusils

Rendent la paix à l'innocent

Et c'est aux foules d'enterrer

Sa chair sanglante et son ciel noir

Et c'est aux foules de comprendre

La faiblesse des meurtriers.

 

                              II

 

Le prodige serait une légère poussée contre le mur

Ce serait de pouvoir secouer cette poussière

Ce serait d'être unis.

 

                              III

 

Ils avaient mis à vif ses mains courbé son dos

Ils avaient creusé un trou dans sa tête

Et pour mourir il avait dû souffrir

Toute sa vie

 

                                IV

 

Beauté créée pour les heureux

Beauté tu cours un grand danger

 

Ces mains croisées sur tes genoux

Sont les outils d'un assassin

 

Cette bouche chantant très haut

Sert de sébile au mendiant

 

Et cette coupe de lait pur

Devient le sein d'une putain.

 

 [...]

 

Paul Éluard, Dignes de vivre, nouvelle édition

revue et augmentée illustrée par Fautrier,

éditions littéraires de Monaco, 1951, p. 45-49.