04/01/2013
Paul Éluard, Dignes de vivre
La dernière nuit
I
Ce petit monde meurtrier
Est orienté vers l'innocent
Lui ôte le pain de la bouche
Et donne sa maison au feu
Lui prend sa veste et ses souliers
Lui prend son temps et ses enfants
Ce petit monde meurtrier
Confond les morts et les vivants
Blanchit la boue gracie les traitres
Transforme la parole en bruit
Merci minuit douze fusils
Rendent la paix à l'innocent
Et c'est aux foules d'enterrer
Sa chair sanglante et son ciel noir
Et c'est aux foules de comprendre
La faiblesse des meurtriers.
II
Le prodige serait une légère poussée contre le mur
Ce serait de pouvoir secouer cette poussière
Ce serait d'être unis.
III
Ils avaient mis à vif ses mains courbé son dos
Ils avaient creusé un trou dans sa tête
Et pour mourir il avait dû souffrir
Toute sa vie
IV
Beauté créée pour les heureux
Beauté tu cours un grand danger
Ces mains croisées sur tes genoux
Sont les outils d'un assassin
Cette bouche chantant très haut
Sert de sébile au mendiant
Et cette coupe de lait pur
Devient le sein d'une putain.
[...]
Paul Éluard, Dignes de vivre, nouvelle édition
revue et augmentée illustrée par Fautrier,
éditions littéraires de Monaco, 1951, p. 45-49.
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15/07/2012
Paul Éluard, Dignes de vivre
Du dehors
La nuit le froid la solitude
On m'enferma soigneusement
Mais les branches cherchaient leur voie dans la prison
Autour de moi l'herbe trouva me ciel
On verrouilla le ciel
Ma prison s'écroula
Le froid vivant le froid brûlant m'eut bien en main.
Du dedans
Premier commandement du vent
La pluie enveloppe le jour
Premier signal d'avoir à tendre
La voile claire de nos yeux
Au front d'une seule maison
Au flanc de la muraille tendre
Au sein d'une serre endormie
Nous fixons un feu velouté
Dehors la terre se dégrade
Dehors la tanière des morts
S'écroule et glisse dans la boue
Une rose écorchée bleuit.
Paul Éluard, Dignes de vivre, avec vingt bois originaux
de Théo Kerg, chez les éditeurs des Portes de France,
1947, p. 52-55.
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