08/10/2020
Jules Laforgue, L'Imitation de Notre-Dame-la-lune
Encore un livre
Encore un livre ; ô nostalgies
Loin de ces très goujates gens,
Loin des saints et des argents,
Loin de nos phraséologies !
Encore un de mes pierrots morts ;
Mort d’une chronique orphelinisme ;
C’était un cœur plein de dandysme
Lunaire, en un drôle de corps.
Les dieux s’en vont ; plus que des hures ;
Ah ! ça devient tous les jours pis ;
J’ai fait mon temps, je déguerpis
Vers l’Inclusive Sinécure.
Jules Laforgue, L’Imitation de Notre-Dame-la-lune,
cité dans Anthologie des poètes français contemporains,
II, Delagrave, 1922, p. 384.
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22/12/2019
Jules Laforgue, L'imitation de Notre-Dame la Lune
Stérilités
Cautérise et coagule
En virgules
Ses lagunes des cerises
Des félines Ophélies
Orphelines en folie.
Tarentules des feintises
La remise
Sans rancune des ovules
Aux félines Ophélies
Orphelines en folie.
Sourd aux brises des scrupules,
Vers la bulle
De la Lune, adieu, nolise
Ces félines Ophélies
Orphelines en folie !
Jules Laforgue, L’imitation de
Notre-Dame la Lune, dans Poésies complètes,
Léon Vanier, 1902, p. 206.
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26/01/2015
Jules Laforgue, Pierrots
Jules Laforgue par Félix Valloton
Pierrots
(On a des principes)
Elle disait, de son air vain fondamental :
« Je t’aime pour toi seul ! — Oh ! là, là ! grêle histoire ;
Oui, comme l’art ! Du calme, ô salaire illusoire
Du capitalisme l’Idéal !
Elle faisait : « J’attends, e voici, je sais pas « ...
Le regard pris de ces larges candeurs des lunes ;
— Oh ! là, là, ce n’est pas peut-être pour des prunes,
Qu’on a fait ses classes ici-bas ?
Mais voici qu’un beau soir, infortunée à point,
Elle meurt ! — Oh ! là, là ; bon sang, changement de thèmes !
On sait que tu dois ressusciter le troisième
Jour, sinon en personne, du moins
Dans l’odeur, les verdures, les eaux des beaux mois !
Et tu auras, levant encor bien plus de dupes
Vers le Zaïmph de la Joconde, vers la Jupe !
Il se pourra même que j’en sois.
Jules Laforgue, Poésies complètes, Léon Vanier, 1902, p. 172-3.
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07/06/2013
Jules Laforgue, Grande complainte de la ville de Paris
Grande complainte de la ville de Paris
Prose blanche
Bonne gens qui m'écoute, c'est Paris, Charenton compris. Maison fondée en... à louer. Médailles à toutes les expositions et mentions. Bail immortel. Chantiers en gros et en détails de bonheurs sur mesure. Fournisseurs brevetés d'un tas de majestés. Maison recommandée. Prévient la chute des cheveux. En loteries ! Envoie en province. Pas de morte-saison. Abonnements. Dépôt, sans garantie de l'humanité, des ennuis plus comme il faut et d'occasion. Facilités de paiement, mais de l'argent. De l'argent, bonne gens !
Et ça se ravitaille, import et export, par vingt gares et douanes. Que tristes, sous la pluie, les trains de marchandises ! À vous, dieux, chasublerie, ameublements d'église, dragées pour baptêmes, le culte est au troisième, clientèle ineffable ! Amour, à toi, des maisons d'or aux hospices dont les langes et loques feront le papier des billets doux à monogrammes, trousseaux et layettes, seules eaux alcalines reconstituantes, ô chlorose ! bijoux de sérail, falbalas, tramways, miroirs de poche, romances ! Et à l'antipode, qu'y faisait-on ? Ça bataille pour que Paris se ravitaille...
Jules Laforgue, Poésies complètes, Librairie Léon Vanier éditeur, 1902, p. 126-127.
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