29/01/2021
Rose Ausländer, Été aveugle
Temps sans Ève
Dans la substance lunaire
lumière empruntée
habite le visage érodé
d’Adam
Les joues pendent
sacs de glace
la bouche jaunit
dans le cercle vide
L’œil gémeau
noire division
fixe le
temps sans Ève
Rose Ausländer, Été aveugle,
traduction Michel Vallois,
Héros-Limite, 2015, p. 57.
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23/12/2015
Jacques Prévert, Histoires
Et Dieu chassa Adam
Et Dieu chassa Adam à coups de canne à sucre
Et ce fut le premier rhum sur la terre
Et Adam et Ève trébuchèrent
dans les vignes du Seigneur
la sainte Trinité les traquait
mais ils s’obstinaient à chanter
d’une enfantine voix d’alphabet
Dieu et Dieu quatre
Dieu et Dieu quatre
Et la sainte Trinité pleurait
Sur le triangle isocèle et sacré
un biangle isopoivre brillait
et l’éclipsait.
Jacques Prévert, Histoires, Gallimard, 1963, p. 218
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21/02/2015
Erri de Luca, Les saintes du scandale
La beauté
[...]
La beauté féminine est un mystère qui tourmente la pensée et les sens. Il est écrit qu’Adam connut Ève / Havvà. Il parvient à la connaître à travers l’expérience physique du contact et de l’étreinte, elle et sa perfection. La réciprocité n’est pas éceite, elle n’a pas besoin de connaître Adam. Lui est extrait d ela poussière, elle de son flanc. Ici, la nature masculine est faite de matière inerte rachetée par le souffle de la divinité. Ève / Havvà provient d’une fabrication ultérieure, d’une deuxième intervention de la divinité. Elle sort du flanc de l’homme endormi, mais non pas toute faite comme la déesse Athéna de la grosse tête de Zeus. Les choses se passent ainsi en réalité :
« Et construisit Yod Elohim le flanc qu’il a pris de l’Adam pour (en faire) une femme » (Bereshit / Genèse, 2, 22). Construire, verbe de l’œuvre qui intervient pour perfectionner la partie retirée à l’homme, pour produire Ève / Havvà. C’est la construction de la beauté. Ici, l’homme est un produit semi-fini par rapport à la femme, le produit fini de la haute chirurgie de la divinité.
Le verbe vaiven, « et il construisit », est un verbe de fabrication et de fils. Il a la même valeur numérique que haim, « vie ». La vie de l’Écriture sainte est une œuvre de construction. La détruire est une démolition.
Erri de Luca, Les saintes du scandale, traduit de l’italien par Danièle Valin, Folio, 2014, [Mercure de France, 2013], p. 37.
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