08/02/2024
Max Jacob, Rivage
Fable
« Je chanterai sur le haut de la maison.
Je chanterai sur le pas de la porte.
Je chanterai le tambour sur le dos.
Je chanterai aux charges de la vie.
Je chanterai avec beaucoup d’argent.
Je chanterai électrique et brillant.
Je chanterai en tirant sur la cloche.
Je chanterai en coupant ma bidoche
et sous les arbres noirs de mon pays.
Je chanterai dans les rues de Paris.
Je chanterai par joie ou par tristesse
honte ou regret par orgueil ou détresse
et mon ombre avec moi chantera par duo. »
Or celui qui chantait a glissé dans la mare
Et nul ne s’est trouvé pour lui tendre une amarre.
Max Jacob, Rivage, dans Œuvres, Quarto/Gallimard,
2012, p. 1455.
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06/02/2024
Max Jacob, Les pénitents en maillots roses
Le pape au couvent
Ô moines !
— du ciel
fidèles
cétoines
— idoines
au miel !
Cilice,
caprice
d’un pape
qui frappe
à l’huis
des trappes.
Bien las
peut-être
qui va
paraître par la
fenêtre !
« Qu’un pape
s’astreigne !
qu’il ceigne
la chape !
— Mon règne
m’échappe !
disette
ici !
couette
au lit !
ne suis
qu’ascète. »
Max Jacob, Les pénitents
en maillots roses, dans Œuvres,
Quarto/Gallimard, 2012, p. 700-701.
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05/02/2024
Max Jacob, Le laboratoire central
Thème de l’illusion et de l’amour
Les chiens d’un certain Actéon
Ne dévoreront pas leur maître ;
Ils le feraient des vagabonds.
Existence paradoxale que la lune fait naître,
Sur les pelouses du château
Non ! ce ne sont pas des joyaux
Sur les chiens et les paillassons
Mais des gouttelettes du jet d’eau.
Le danseur : ) un zeste de citron –
Poursuit Dane au jeu de cache-cache
Les fenêtres qu’on dépassa l’éclairait en grêle malgache.
Ilote ! oh ! maigre lot ! les pompes du soleil !
Pour donner aux oiseaux le signal de l’hiver
Voici la lune ! sors donc en ouvrant ton ombrelle
De ce muscat, raisin en clocher de chapelle.
Le masque de Basile était un masque nègre
Blanc, le côté d’amour ! l’autre côté vinaigre.
Max Jacob, Le laboratoire central, dans Œuvres,
Quarto/Gallimard, 2012 ; p. 594.
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04/02/2024
Max Jacob, Le cornet à dés
Le facteur de l’avenue de l’Opéra a, dans sa boîte, un oiseau gros comme les perles qui ornent le velours noir de la boîte. Il lui donne à boire à la terrasse des cafés.
Mille bouquets de bosquets, mille bosquets de bouquets et mille camomilles. Si tu veux, ma gentille, tu mettras ta mantille. La mare a, dans la nuit, des vertèbres aussi profondément vertes que les mousses de mes pistils.
Le mystère est dans cette vie, la réalité dans l’autre ; si vous m’aimez, si vous m’aimez, je vous ferai voir la réalité.
Quand on donne aux magiciens un morceau de vêtement, ils connaissent celui qui le porte, moi, quand je mets ma chemise, je sais ce que je pensais la veille.
Max Jacob, Le cornet à dés, dans Œuvres, Quarto/Gallimard, 2012, p. 370, 371, 371, 373.
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02/04/2021
Max Jacob, Le cornet à dés
Retour philosophique vers ce qui n’est plus
Après l’adolescence, on peut connaître des joies, on ne connaît plus les ivresses. Cacher les trous des chaussettes, les uns par les autres ! avoir peur de manquer le train ! avoir tout juste l’argent de son voyage et qu’au dernier moment un frère encore couché double la somme ! Peut-être est-ce que les ivresses proviennent de ce que les inquiétudes et les hésitations sont plus angoissantes quand on ignore tout. N’aurais-je pas quelque aventure amoureuse à Nantes ? qui dit « amour » dit pistolet, et je n’avais pas de pistolet. Or, ce qui me surprit le plus dans ce voyage, ce fut de me voir reconnu chez un cordonnier par une ressemblance avec une vieille parente et l’éloge que j’entendis de cette personne dont la vie me paraissait nulle. Les jeunes gens prennent tout au sérieux bien qu’ils ne sachent pas donner leur sérieux à ce qu’ils prennent. À la vérité, ils y mettent seulement des émotions disproportionnées.
Max Jacob, Le cornet à dés, dans Œuvres, Quarto/Gallimard, 2012, p. 424.
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01/04/2021
Max Jacob, Le cornet à dés
Je me déclare mondial, ovipare, girafe, altéré, sinophobe et hémisphérique. Je m’abreuve aux sources de l’atmosphère qui rit concentriquement et pète de mon inaptitude.
Un incendie est une rose ouverte sur la queue ouverte d’un paon.
Un ours qui dansait quitta la place du village et alla pisser contre un mur.
Pour se venger de l’écrivain qui leur a donné la vie, les héros qu’il a créés lui cachent son porte-plume.
Max Jacob, Le cornet à dés, dans Œuvres, 2012, p. 361, 361, 363, 365.
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31/03/2021
Max Jacob, Ballades
Photo Carl Van Vechten
Le sommeil
Au Cher Igor Markevitch
Veilleur de nuit, veilleur de nuit,
Dans les rais d’argent de la nuit.
Qu’y a-t-il de plus pauvre que l’homme endormi ?
La nuit ne caresse pas. Ô prison de la nuit !
Mais la pensée est une eau froide
Qui tombe sur ton cadavre vide.
Qu’y a-t-il de plus pauvre que la pensée ?
Elle féconde la misère de l’homme endormi.
Elle arrose la tête, elle l’ensemence.
Pitoyable être, je n’ai compris ton silence
Que dans le sommeil. Pas de dimanche
Pour le sommeil impitoyable de l’homme nu,
Même le songe n’est pas à lui.
Terne oreiller, ô dure terre pour mon épaule,
Songe mystère qui vient du pôle
À l’arbre qui rêve, à l’arbre qui dort,
Pareil est notre sort.
Veilleur de nuit, veilleur de nuit,
L’océan ne fait aucun bruit.
Voici la voile qui s’étale
Le bateau du lac de Stymphale.
Tamponnez le môle du sommeil
Rame nocturne, sabot, je m’éveille.
Max Jacob, Rivage (1931), dans Ballades,
Gallimard, 1970, p. 175-176.
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30/03/2021
Max Jacob, La laboratoire central
Accès de vue perspective
Vue en montagne d’une maison blanche à tourelles.
C’est la nuit ! il y a une fenêtre de lumière,
Il y a deux tourelles, deux tourterelles de tourelles
Derrière la fenêtre et dans la maison
Il y a l’amour et sa lumière de feu !
Il y a l’amour à foison, à ailes, à éloquence
Au troisième étage de la maison
Au troisième étage de la maison dans une autre chambre
Chambre sans lumière, il y a un mort
Et toute la douleur de la mort
La moisson de la douleur,
Les ailes de la douleur
L’éloquence de la douleur
Vue perspective d’une maison blanche à tourelles.
Max Jacob, Le laboratoire central, dans Œuvres, 2012, p. 565.
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29/03/2021
Max Jacob, Art poétique
Ce qu’on appelle une œuvre sincère est celle qui est douée d’assez de force pour donner de la réalité à l’illusion.
Si bien écrit, si bien écrit qu’il n’en reste plus rien.
On réussit parce qu’on est compris. De qui ?
On peut comprendre la vie à travers l’art, mais non l’art au travers de la vie.
Max Jacob, Art poétique, dans Œuvres, Quarto/Gallimard, 2012, p. 1554, 1555, 1556, 1559.
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28/03/2021
Max Jacob, Les pénitents en maillots roses
Nocturne
Sifflet humide des crapauds
bruits des barques la nuit, des rames...
bruit d’un serpent dans les roseaux,
d’un rire étouffé par les mains,
bruit d’un corps lourd qui tombe dans l’eau,
bruit des pas discrets de la foule,
sous les arbres un. bruit de sanglots,
le bruit au loin des saltimbanques.
Max Jacob, Les pénitents en maillot rose, dans
Œuvres, Quarto/Gallimard, 2012, p. 679.
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03/11/2020
Max Jacob, Art poétique
Suppression dans toute poésie (même non moderne) du style critique cérébral, philosophique, journalistique.
Penser à la matière de la prose, de la peinture, de la musique, c’est très bien : l’avoir er l’oublier c’est mieux.
On ne donne la vie que par l’émotion.
Vous oubliez que l’émotion est le tout. La distinction de votre tempérament vous empêchera d’être vulgaire.
Les œuvres à thèse meurent quand la thèse n’est plus d’actualité. On ne lit plus le Contrat social si on lit encore Germinal.
Max Jacob, Art poétique, dans Œuvres, Quarto/Gallimard, 2012, p. 1361, 1508, 1577, 1577, 1579.
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20/04/2019
Max Jacob, Art poétique (1922)
Art poétique
Une bonne œuvre littéraire ne peut être que l’intelligence complète d’une idée par l’auteur. Une œuvre ne peut être que l’intelligence de quelque chose.
Qui a compris ce qu’est le vrai beau a gâté pour l’avenir toutes ses joies artistiques.
Une personnalité n’est qu’une erreur persistante.
Si bien écrit, si bien écrit qu’il n’en reste plus rien.
On réussit parce qu’on est compris. De qui ?
Max Jacob, Art poétique, dans Œuvres, édition Antonio Rodriguez, Quarto/Gallimard, 2012, p. 1347, 1348, 1349, 1355, 1356.
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21/02/2019
Max Jacob, Les pénitents en maillots roses
Le pape au couvent
Ô moines
— du ciel
fidèles
cétoines —
idoines
au miel !
Cilice,
caprice
d’un pape
qui frappe
à l’huis
des trappes.
Bien las
peut-être
qui va
paraître
par la
fenêtre !
« Qu’un pape
s’astreigne !
qu’il ceigne
la chape !
– Mon règne
m’échappe !
disette
ici !
couette
au lit !
ne suis
qu’ascète. »
Max Jacob, Les pénitents
en maillots roses, dans Œuvres,
Quarto/Gallimard, 2012, p. 700-701.
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31/08/2018
Max Jacob, Les pénitents en maillots roses
Sculpture, Douarnenez
Nocturne
Sifflet humide des crapauds
bruit des barques la nuit, des rames...
bruit d’un serpent dans les roseaux,
d’un rire étouffé par les mains,
bruit d’un corps lourd qui tombe à l’eau
bruit des pas discrets de la foule,
sous les arbres un bruit de sanglots,
le bruit au loin des saltimbanques.
Max Jacob, Les Pénitents en maillots roses (1925),
dans Ballades, Gallimard, 1970, p. 217.
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20/10/2017
Max Jacob, Les Pénitents en maillots roses
Hortense
Dans le buisson de mimosas
Qu’est-ce qui n’y a ? qu’est-ce qui n’y a ?
Y a le lézard qui n’osa
Mettre les yeux dans les oseilles
La fleur dite « le bouton d’or »
Et le plant nommé sensitive
Qui, prétend-on, s’ouvre à l’aurore
Et prend la forme d’une olive.
Là, y a aussi Hortense, y a
Les boules azurées du célèbre hortensia
Et la troupe argentée d’herbes folles.
Dans le buisson de mimosas
Qu’est-ce qui n’y a ? qu’est-ce qui n’y a ?
Max Jacob, Les Pénitents en maillots roses, dans
Œuvres, édition Antonio Rodriguez, Quarto /
Gallimard, 2012, p. 689.
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