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01/06/2011

François Bon, Dehors est la ville [à propos de Edward Hopper]

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La ville est une fiction.

Cette ville n’existe pas. Ce qui se peint c’est notre idée de la ville, ce que nous mettons en jeu entre nous et le dehors lorsque nous disons le mot ville.

Parce que c’est là qu’on marche, et qu’entre soi et les autres s’est déposé le ciment et hissée la géométrie, et ce qui rend les visages indistincts et pareilles les fenêtres. La ville est ce qui nous sépare des autres hommes, c’est pour cela qu’elle lève de l’eau, séparée de nous par l’eau puissante et trouble, métaphore de ce balancement jaune entre soi-même et les autres, par quoi on se regarde soi-même aussi, là où on est : on est dans cette ville, là-bas sous le ciel jaune, la ville trouée de grandes saignées faites droit entre les blocs pour que les hommes traversent et se montrent.

Et le ciel est une folie dressée, comme un cri dirait cette volonté d’arracher la peau du monde et de s’enfuir mais la ville vous colle à son sol, vous coince dans  ses alvéoles.

L'usine tout devant, rien qu’un cube massif, avec des cheminées : la ville en imposant ses volumes reste opaque, et cela vaut pour tout le paysage humain derrière, là où tout, eau, ciel et ville sont étendus à l’horizontale sauf cette usine, sans lampe ni veilleur. L’usine et son mystère témoignant seuls de par quoi la ville commande à ceux qui la font.

Rien ici qui soit pour l’homme, astreint à ces brouillons de fenêtre entre l’eau jaune et le ciel fou.

 

François Bon, Dehors est la ville, Flohic éditions, 1998, p. 8-9.

Edward Hopper, Pont de Manhattan