17/09/2017
Jean-Claude Pinson, Laïus au bord de l'eau
Autoportrait
À quoi bon détailler toutes ces circonstances
raconter vaguement sa vie ?
tandis que je feuillette un livre sur Rembrandt
me revient la question d’un collègue me demandant
pourquoi j’écris à la première personne
le moi, je le concède, est haïssable
j’aimerais bien d’ailleurs certains jours m’en défaire
me fondre pour de vrai dans le décor
bucolique évoqué dans ces vers
mais il s’attache l’animal
refuse de s’évaporer dans la brume
qui pourtant lui plaît bien quand à fleur d’eau
dans les matins d’automne on la voit qui lévite
et même s’il lui prenait l’envie
(imaginons un jour de bile vraiment noire
où il se sentirait décidément trop lourdaud)
de devenir diaphane et pour de bon
basculait d’un plongeon sans retour,
il y a fort à parier qu’au dernier moment
comme je sais très bien nager
je ramènerais moi-même ce maudit moi
sur la berge sans peine
car nous ne pesons que le poids d’un seul
et nous continuerions ensemble
à naviguer dans la vie
mon double et moi
à parler d’une seule voix.
Jean-Claude Pinson, Laïus au bord de l’eau,
Champ Vallon, 1993, p. 57-58.
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