11/03/2016
Nicolas Zabolotsky (1902-1958), Le Loup toqué, traduction Jean-Baptiste Para
Près du tombeau de Dante
Florence fut pour moi une mère sans amour,
J’ai voulu reposer à Ravenne.
Ne parle pas, toi qui passes, de félonie,
Ce que la mort a scellé ne sera pas rompu ici.
Sur mon sépulcre blanc roucoule une colombe,
Oiseau délicieux de douceur,
Mais je ne rêve jamais qu’à ma cité.
À elle seule je garde fidélité.
Le luth brisé ne fera pas ce voyage,
Il a péri au pays natal. Mais pourquoi,
Toi ma tristesse, ô ma Toscane,
Embrasses-tu ma bouche orpheline ?
Soudain jaillie du soir la colombe
S’envole, comme saisie d’effroi,
Et l’ombre d’un avion hostile
Trace des cercles au-dessus de la ville.
Fais donc tinter tes cloches, carillonneur !
N’oublie pas que le monde est couvert d’écume
[et de sang !
J’ai souhaité reposer à Ravenne,
Mais Ravenne n’était pas le remède non plus.
Nikolaï Zabolotski, Le Loup toqué, traduit du russe
par Jean-Baptiste Para, La rumeur libre, 2016, p. 163.
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