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06/12/2014

Louis Wolfson, Le Schizo et les langues

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   Les gardiens du bâtiment principal de la bibliothèque publique de la grande ville ou du moins de trois des cinq principaux quartiers ou districts de la grande ville connaissait bien le schizophrène, c'est-à-dire comme un caractère familier, très soupçonneux, du moins toqué et à surveiller de près.

    Peut-être la première fois où le jeune homme aliéné se fit remarquer dans ce grand édifice abritant environ quatre millions de volumes fut quand il avait plusieurs nuits de suite insisté à rester dans la très grande salle, dite salle de lecture principale, au troisième étage et vraiment divisée en deux grandes salles de lecture jumelles, jusqu'à être le dernier du public à en sortir ou à y rester jusqu'à deux minutes, peut-être même jusqu'à une minute, avant dix heures ; cela dans l'espoir de ne point sortir, même de ne pas pouvoir sortir de l'édifice avant qu'il ne sonnât l'heure, ou même de devoir sortir quelques secondes après cette heure critique, et d'éviter ainsi un sentiment de poltronnerie et de ne pas avoir insisté sur "ses droits". Après tout, n'était-il pas écrit à chacune des deux entrées de la bibliothèque : salle de lecture principale : ouvert jusqu'a dix heures du soir.

    Du moins si le jeune homme malade mentalement demeurait si tard dans la grande salle de lecture, c'est-à-dire jusqu'à un couple de minutes avant dix heures, il serait certain de ne pas sortir de l'édifice un temps significatif selon lui avant précisément cette heure, et, comme dit, peut-être sortirait-il même quelques secondes après cette heure horrible et donc après la sonnerie finale, qui, incidemment, semble de temps à autre manquer.

 

Louis Wolfson, Le Schizo et les langues, Connaissance de l'inconscient, Gallimard, 1970, p. 156.

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