29/11/2014
Giogio Manganelli — Samuel Beckett
(à propos des poèmes de Beckett traduits en italien par J. Rodolfo Wilcox)
Des poèmes difficiles, non paraphrasables, obscurs ; élusifs et agressifs : ils infligent au lecteur une sorte d'agression sonore, une aigreur phonique louche et batailleuse. Il y a quelque chose de branlant et de lacéré, dans un anglais hérissé de consonnes, lourdement ambigu, où les mots se juxtaposent durement, sans le garde-fou d'aucune syntaxe. Il s'agit d'une langue mue par une fureur coprolalique et blasphématoire à peine contenue : elle oscille entre l'impiété intellectuelle et la sordide hilarité plébéienne, elle s'alimente au trouble mélange vocal, à la fois vulgaire et cultivé, que Joyce a le premier saisi dans les bordels de son Dublin biéreux et catholique.
Giorgio Manganelli, La littérature comme mensonge, traduction de l'italien par Philippe Di Meo, L'arpenteur, 1985, p. 108.
Roundelay
on all that strand
at end of day
steps sole sound
long sole sound
until unbidden stay
then no sound
on all that strand
long no sound
until unbidden go
steps sole sound
long sole sound
on all that strand
at end of day
(1976)
Samuel Beckett, Collected Poems, John Calder, London, 1984, p. 35.
Rondeau
tout au long de ce rivage
à la tombée du jour
seul bruit les pas
seul bruit longuement
jusqu'à s'arrêter sans raison
alors aucun bruit
tout au long de ce rivage
aucun bruit longuement
jusqu'à repartir sans raison
seul bruit les pas
seul bruit longuement
tout au long de ce rivage
à la tombée du jour
Samuel Beckett, Peste soit de l'horoscope, traduit de l'anglais et présenté par Édith Fournier, Minuit, 2012, p. 36.
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