19/10/2012
Boris Pasternak, dans Quatre poètes russes
Le poème d'avant les poèmes
Laisse de toi les mots descendre
Comme d'un clos le zeste et l'ambre :
Distraitement et richement,
Lents, très lents, très lentement.
*
Ébranlant la branche odorante
Ébranlant la branche odorante
Lampant dans ces ombres ce bien-être,
De calice en calice allait courante
Une moiteur qu'hébéta la tempête.
Par les calices roulait, sur deux
Calices glissa, sur eux deux,
En goutte d'agate volumineuse,
Se suspendit, pudique, lumineuse.
Le vent peut bien, soufflant sur les spirées,
Martyriser cette goutte, l'écraser.
Une, intacte, elle reste : goutte des deux
Calices s'entrebaisant, buvant à deux.
Ils rient, tentent de s'entr'échapper,
De se remettre droits comme avant cette goutte :
Ils ne peuvent plus égoutter leurs bouches hors cette goutte
Et même qui les coupe ne peut les séparer.
Boris Pasternak, dans Quatre poètes russes, V. Maïakovski, B. Pasternak, A. Blok, S. Essénine, texte russe traduit et présenté par Armand Robin, éditions du Seuil, 1949, p. 115 et 121.
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