16/03/2012
Jean-Claude Pinson, Laïus au bord de l'eau
J'écris parfois dans l'allégresse
parfois dans les douleurs du doute
bénignes certes mais réelles, physiques
maux d'estomac mauvais sommeil
je me lève en aveugle me cogne
vais dans mon bureau, dérange un papillon de nuit
nerveux palpite contre des feuilles blanches
tourne des pages, les rature
trouve un goût de vin frelaté à mes vers
ai bien envie de tout laisser en plan
alors j'ouvre des livres
cherche des modèles, des mots qui fusent
cailloux lancés par une fronde,
goûte des vers puis les recrache
m'essaie à jouer les sommeliers :
« ça, insipide, trop fade venaison
vers ennuyeux à faire fuir
les déjà peu nombreux lecteurs de poésie
ça par contre superbe, à la fois subtil et corsé :
Réda dont il faudrait pouvoir prendre la roue
mais comment faire ? compter sur l'alchimie
de quelques verres de vin ? autant que l'univers
c'est un entier mystère impossible à percer
même avec le secours de l'or d'un Mercurey
versé dans de nombreux ballons
qu'un jour à quelques-uns nous partageâmes à Lyon »
la tête en feu je tente à nouveau de dormir
comptant sur l'alambic de la nuit
pour qu'au matin mes vers soient à peu près buvables
filent moins lourdement qu'ici la métaphore
Jean-Claude Pinson, Laïus au bord de l'eau, Champ Vallon,
1993, p. 46-47.
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