20/09/2011
Jaufre Rudel, Lanquan li jorn son lonc en may...
Lorsque les jours sont longs en mai,
J’aime ouïr les oiseaux lointains ;
Je vais courbé par le désir,
Je songe à un amour lointain,
Et les chants, les fleurs d’aubépine
Valent les glaces de l’hiver.
Jamais d’amour je n’aurai joie
Sinon de cet amour lointain
Car il n’est femme plus parfaite
En nul endroit proche ou lointain.
Elle est si belle et gente et pure
Que je voudrais, pour l’approcher,
Être pris par les Sarrasins.
Triste et joyeux je reviendrai,
Si je la vois, ‘amour lointain.
Mais qui sait quand je la verrai ?
Nos deux pays sont si lointains !
Que de chemins et de passages !
Je ne puis être sûr de rien :
Qu’il en soit comme il plaît à Dieu !
André Berry, Florilège des troubadours, publié avec une préface, une traduction et des notes par A. B., Firmin-Didot, 1930, p. 59.
Lorsque les jours sont longs en mai
Me plaît le doux chant d’oiseaux lointains,
Et quand je suis parti de là
Me souvient d’un amour lointain ;
Lors m’en vais si morne et pensif
Que ni chants ni fleurs d’aubépines
Ne me plaisent plus qu’hiver gelé.
Jamais d’amour je ne jouirai
Si je ne jouis de cet amour lointain,
Je n’en sais de plus noble, ni de meilleur
En nulle part, ni près ni loin ;
De tel prix elle est, vraie et parfaite
Que là-bas au pays des Sarrasins,
Pour elle, je voudrais être appelé captif !
Triste et joyeux m’en séparerai,
Si jamais la vois, de l’amour lointain
Mais je ne sais quand la verrai,
Car trop en est notre pays lointain :
D’ici là sont trop de pas et de chemins ;
Et pour le savoir ne suis pas devin
Mais qu’il en soit tout comme à Dieu plaira.
Poètes et romanciers du Moyen Âge, texte établi et annoté par Albert Pauphilet, Bibliothèque de la Pléiade, Gallimard, 1963, p. 783.
Lorsque les jours sont longs en mai m’est beau le doux chant d’oiseaux de loin et quand je me suis éloigné de là je me souviens d’un amour de loin je vais courbé et incliné de désir si bien que chant ni fleur d’aubépine ne me plaisent comme l’hiver gelé
Jamais d’amour je ne jouirai si je ne jouis de cet amour de loin car mieux ni meilleur je ne connais en aucun lieu ni près ni loin tant est son prix vrai et sûr que là-bas au royaume des Sarrazins pour elle je voudrais être captif
Triste et joyeux je la quitterai quand je verrai cet amour de loin mais je ne sais quand je la verrai car trop sont nos terres loin il y a tant de passages de chemins et moi je ne suis pas devin mais que tout soit comme il plaît à Dieu
Jacques Roubaud, Les Toubadours, anthologie bilingue, Seghers, 1971, p. 75 et 77.
Lanquan li jorn son lonc en may
M’es belhs dous chans d’auzelhs de lonh,
E quan mi suy partiz de lay
Remembra.m d’un amor de lonh :
Vau de talan embroncx e clis
Qi que chans ni flors d’aldelpis
No.m platz plus que l’yverns gelatz.
Ja mais d’amor no.m janziray
Si no.m jau d’est’amot de lonh,
Que gensot ni melhor no.n si
Ves nulha part, ni pres ni lonh ;
Tant es sos pretz verais e fis
Que lay el reng dels Sarrazis
For hieu per lieys chaitius clamatz !
Iratz e gauzens m’en partray,
S’ieu ja la vey, l’amor de lonh :
Mas non sai quoras la veyrai,
Car trop son nostras terras lonh :
Assatz hi a pas e camis,
E per aisso no.n suy devis…
Mas tot sia cum a Dieu platz !
Jaufre Rudel, dans Poètes et romanciers du Moyen Âge, Texte établi et annoté par Albert Pauphilet, Biblliothèque de la Pléiade, Gallimard, 1963, p. 782 et 783.
Publié dans ANTHOLOGIE SANS FRONTIÈRES | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : jaufre rdel, l"amour de loin, alpbert pauphilet, andré berry, jacques roubaud | Facebook |
Les commentaires sont fermés.