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12/07/2011

Raymond Queneau, Battre la campagne

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Avec le temps

 

Avec le temps le toit croule

avec le temps la tour verdit

avec le temps le taon vieillit

avec le temps le tank rouille

 

avec le temps l’eau mobile

et si frêle mais s’obstinant

rend la pierre plus docile

que le sable entre les dents

 

avec le temps les montagnes

rentrent coucher dans leur lit

avec le temps les campagnes

deviendront villes et celles-ci

 

retournent à leur forme première

les ruines même ayant leur fin

s’en vont rejoindre en leur déclin

le tank le toit la tour la pierre


 

        Poussière

 

Derrière les semelles

vole la poussière

à condition de ne pas battre

l’asphalte des routes goudronnées

 

dans cette poussière il y a

de quoi rêver

du pollen des fleurs décédées

de la bouse de vache séchée

des éclats amenuisés

de silex ou de calcaire

du bois très très émietté

des feuilles pulvérisées

quelques insectes écrasés

des œufs de bêtes innomées

 

et tout ça vole vole vole

lorsque c’est un peu remué

et tout ça vole vole vole

vers telle ou telle destinée

projeté à coups de souliers

sur le chemin mal empierré

qui conduit au cimetière

 

Raymond Queneau,  battre la campagne, le temps, poussière, pauvres gens

 

Les pauvres gens

 

un champ d’un are

un litre de vin

un stère de bois

un hecto de pain

une lampe d’un watt

un mètre de toit

un centime dans la poche

des années d’existence

 

Raymond Queneau, Battre la campagne, Gallimard, 1968, p. 45, 132 et 182.

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