Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

10/12/2016

René Crevel, Le clavecin de Diderot

                                              7664.jpg

                             Pourquoi ces souvenirs ?

 

[…]

   Salauds !

   On les connaît vos écoles, vos lycées, vos lieux de plaisir et de souffrance. Y prenait-on quelque élan, c’était pour aller se casser la gueule contre des mosaïques de sales petits intérêts, qui servent de sol, de murs, de plafond à vos bâtiments publics et demeures privées.

Digne confrère de toutes les hargneuses théologies, l’humanisme donne pour une pensée libre sa pensée vague, et ainsi décide n’importe qui à reconnaître de droit sinon divin, du moins nouménal, l’exercice de ses facultés et métiers envers et contre les autres. Bien entendu, plus civilisé sera le pays, plus chaude sera la lutte entre individus. Le capitalisme se réjouit de cet état de concurrence. Les chrétiens respirent : chacun pour soi et Dieu pour tous.

   Es langues anciennes, à la maladie, à la mort, en passant par la littérature, l’art, l’inquiétude, les bars, les fumeries et les divers comptoirs d’échantillonnages sexuels, jusqu’ici, pour qui voulait faire son chemin, il s’agissait de se spécialiser c’est-à-dire, sur toute carte de visite réelle ou idéale, d’annoncer, à la suite de son nom, une virtuosité particulière.

   Un peu d’habileté, les thèmes les plus ressassés faisait figure, sinon d’excellent, du moins de très honorable Camembert.

 

René Crevel, Le clavecin de Diderot [1932], collection Libertés, J.J.Pauvert, 1966, p. 42-43.

14/11/2014

René Crevel, Le clavecin de Diderot

                                           René Crevel, Le clavecin de Diderot, amour, possession, esclavage, Racine

                         Amour divin et amour-propre

 

   Des expressions de cette farine devenues monnaie courante, on s'imagine à la suite de quelles piètres pratiques l'amour a bien pu, dans l'idée que s'en font les hommes, se recroqueviller au point de prendre en béquille, de tels qualificatifs.

   La rage possessive s'obstinait à voir, jusque dans la créature préférée une simple chose à prendre. Et certes, ppour que les affirmations :  Tu es ma chose, je te possède et les acquiescements : Je suis ta chose, prends-moi, fussent devenus des cris réflexes de la jouissance, il fallait bien que l'inégalité eût été, une fois pour toutes, admise entre et par les éléments du couple. D'où notion d'un amour esclavage, lequel, avec ce qu'il sous-entend de remords de la part du maître-abuseur, de ressentiment de la part de l'esclave-abusée, devient vite amour-enfer. Alors, à nous les formules incandescentes :

   Brûlé de plus de feux que je n'en allumais.

   Malgré le ton haute époque, cet alexandrin pyrogène n'en sent pas moins le cochon grillé.

   La communion que les êtres, entre eux, se défendent, apparaît à la lumière de leur désespoir délirant, une interdiction que seule peut lever, et pour des fins surnaturelles, la vertu d'un sacrement.

[...]

 

René Crevel, Le clavecin de Diderot, 1932, "Libertés 38",  J. J. Pauvert éditeur, 1966, p. 64-65.