09/06/2011
Maryline Desbiolles, Poèmes saisonniers
[…]
je relis d’anciens poèmes d’amour
d’amours anciennes les
mêmes mots on dirait
les mêmes
amours ou peut-être est-ce que je creusais
le lit à nos
reins comme on dit tant il est vrai
qu’il me faut renier on dirait
qu’il me faut renier
jusqu’à trois fois la honte et trois fois le mensonge
pour encore parler on dirait
pouvoir parler le matin venu
cheveux tirés
serrés peignés plantés de chaque côté que ce soit
plus étroit affûté fine lame que
d’être seule soit tranchant
fine lame sortie du fourreau où nos jambes nouent
dormir toutes
les nuits
quand nous dormons la nuit
celle entre les draps toutes
celles que j’ignore celle
par la fenêtre ouverte celle que je rêve si bien que
ce que tu me dis en rêve vient de la rue si bien que
tu m’étreins me siffle une chanson depuis le fond du
lit des paroles oubliées mais toutes
ces nuits cousues en un seul drap sans coutures
Maryline Desbiolles, Poèmes saisonniers, éditions Telo Martius, 1992, non paginé.
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06/05/2011
Roland Dubillard, Je dirai que je suis tombé
Quatre poèmes d’amour
Si quelqu’un sourit
Si quelqu’un sourit à te voir,
s’il te regarde avec bonheur,
c’est que ton corps n’a plus la force
de lui cacher, derrière toi, le mur.
Enfant qui tète sa mère,
bientôt sa mère le détestera,
avant de lui ôter la tête.
Les yeux commencent par un point,
la douleur les allonge vers le bas,
le regard tire d’eux l’horizon,
et il faut compléter le triangle
toute sa vie, avec les mains.
Ce qui sort de ta bouche,
c’est d’abord la fumée d’une cigarette ;
et puis c’est tout le reste.
Si tu es en première
Si tu es en première
quand je suis en seconde
qu’est-ce donc qui s’est décoiffé ?
Où est la brosse, où est le peigne, où est le vent ?
où est la chevelure ?
Soleil, par qui les feuilles sont des lampes transparentes.
Orgueil, par qui les filles montent dans les wagons rouges.
Honte, qui donne à l’homme une allumette vite éteinte.
Quand de l’eau entre dans la noix
par la fente de sa coquille,
chaque moitié sur l’eau qui noie
bientôt peut-être flottera.
Si je monte au Palais-Royal,
quand tu descends au Châtelet,
les rails restent si parallèles
qu’on voudrait être des roues.
Parfois, d’un moment
Parfois, d’un moment, tu peux dire
qu’il est huit heures,
ou que c’est le moment de remonter ta montre.
Mais tu diras bien autre chose
Pour peu qu’à ce moment un autocar t’écrase.
Or, il y a toujours
quelque chose qui nous écrase,
ne serait-ce que notre poids.
Et ce qui nous écrase,
comme un autocar, est parfois
plein de militaires joyeux.
À tout moment ,
il faut les mentionner aussi.
Je lui ai crié
Je lui ai crié :
Madame ! Madame !
Votre parapluie,
je crois, s’est ouvert.
Fallait-il plutôt
ne pas le lui dire ?
le fermer de force ?
ne pas l’avoir vu ?
se mettre en colère ?
L’aurais-je quittée
de toute manière
aussi las de vivre ?
Roland Dubillard, Je dirai que je suis tombé, Gallimard, 1966, p. 79-82.
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