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08/05/2022

Jean-Loup Trassard, Ouailles

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Beaucoup moins de fleurs qu’il y a dix ans : ce serait conséquence de deux étés trop secs puis de deux hivers pas assez neigeux qui ont permis au gel de saisir les racines. Le long du ruisseau qui, à Chamoussière, dégringole du nord, dans l’herbe entre les pierres brillent quand même les gentianes de printemps, bleu si lumineux. Dans les fontes de névés qui, en face, mouillent les pentes de l’ubac, large semis de renoncules des glaciers, blanches à étamines jaunes, ou carminées le cœur encore vert. Leurs pétales tremblent en même temps que l’eau. Sous le couvert des grands mélèzes, forêt en pente raide, des semis d’ancolies des Alpes.

 

Jean-Loup Trassard, Ouailles, le temps qu’il fait, 1991, p. 64.

21/01/2014

Jean-Loup Trassard, Ouailles

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                Photographie Olivier Roller

         Une semaine avec Jean-Loup Trassard

 

   Franchie l'Aigue Blanche au pont de bois, c'est d'abord un chemin de tracteurs dans les prés, l'herbe haute, grossière, très fleurie, mauvais foin. Puis, quand on bute sur les premiers arbres, un sentier tout de suite montant. À l'ombre mais ne voyant plus la montagne, l'éprouvant. Poussière, ou pierraille, ou aiguilles de pins, le sentier nous tire par lacets, contourne des effondrements, propose quelques variantes, brefs raccourcis, s'efface dans la traversée d'un torrent (tortueuse traînée de pierres grises, entassement de branches blanchies, peut-être un tronc entier, mais peu d'eau) et reprend de l'autre côté. Avant que d'arriver aux prairies on ne voit pas la montagne, on la ressent, dès les premiers pas. Caché sous des mètres de neige en hiver, le sentier ancien est sec maintenant, usé à nouveau d'une façon infime, terre, cailloux. C'est tout de suite, encore, de plus en plus, l'affrontement des jambes lasses, et capables pourtant, au phénomène de la montagne (de petite montagne, que j'aime parce qu'elle n'est pas, justement, une paroi pour l'alpinisme mais montagne pour les moutons, les arbres, les oiseaux). Muscles et tendons, pliement au genou, le fémur, de la tête, pilonnant son mortier iliaque, les jambes rythmées lentement mais tenaces hissent par l'inclinaison étroite du sentier le corps et quelques impédiments au flanc de la montagne. Et l'effort de chaque pas semble dérisoire par rapport à la masse de terre.

 

Jean-Loup Trassard, Ouailles, textes et photographies, Le temps qu'il fait 1991, p. 74.