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10/09/2012

Émile Verhaeren, Poèmes : Les soirs, Les débâcles, Les flambeaux noirs

Émile Verhaeren, Poèmes : Les soirs, Les débâcles, Les flambeaux noirs, le cri, oiseau

                           Le cri

 

Sur un étang désert que lustra une eau brunie,

Un rai du soir s'accroche au sommet d'un roseau,

Un cri s'écoute, un cri désespéré d'oiseau,

Un cri pauvre qui pleure au loin une agonie.

 

Comme il est faible et frêle et peureux et fluet !

Et comme avec tristesse il se traîne et s'écoute,

Et comme il se répète et comme avec la route

Il s'enfonce et se perd dans l'horizon muet !

 

Et comme il scande l'heure, au rythme de son râle,

Et comme, en son accent minable et souffreteux,

Et comme, en son écho languissant et boiteux,

Se plaint infiniment la douleur vespérale !

 

Il est si doux parfois qu'on ne le saisit pas.

Et néanmoins toujours, et sans fatigue, il tinte

L'obscur et triste adieu de quelque vie éteinte ;

Il dit les pauvres morts et les tristes trépas :

 

La mort des fleurs, la mort des insectes, la douce

Mort des ailes et des tiges et des parfums ;

Il dit les vols lointains et clairs qui sont défunts

Et reposent, cassés, dans l'herbe et dans la mousse.

 

Émile Verhaeren, Poèmes : Les soirs, Les débâcles, Les flambeaux

noirs, Mercure de France, 1920, p. 63-64.