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10/04/2016

Frank Venaille, Noord

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                                             Noord

 

   La poésie, les démunis du langage et la plaine flamande. Un après-midi, dans un train entre Gand et Bruges, je me suis rendu compte que, dans les prés, les chevaux, immobiles regardaient tous en direction de la mer. Et cela a été une véritable révélation. J’ai pensé qu’ils étaient habités par ce qu’il faur bien nommer un charme et surtout qu’ils avaient tous quelque chose à la fois de primitif et de très savant à m’apprendre, en fait qu’ils détenaient en eux une sorte de connaissance échappant totalement aux humains. Je ne sais pas donner un nom à cette intuition. Mais je suis certain qu’elle est en rapport avec cette pensée qui, désormais, m’habite : ce sont les démunis du langage qui nous apprennent le plus sur la parole ! À un certain moment d’écriture on est à la fois le cheval et son cavalier. Le premier crée une forme de beauté fondée sur la vitesse, l’élégance, l’énergie et, en même temps, accepte le poids, la lourdeur du cavalier. C’est cet assemblage hétéroclite, de cette sorte d’affrontement que naît, pour moi, véritablement la poésie. Il existe un acharnement dans l’écriture qui évoque l’effort de celui qui peine à extraire des mottes de terre de l’immensité de ces champs du Nord, afin de créer, avec la glaise un personnage, un corps anonyme. Cet homme sème-t-il quelque chose ? Se contente-t-il de marcher d’un point à un autre ? Est-il le prisonnier des songes et des rêveries qui l’animent ?

 

Frank Venaille, Noord, dans La revue de belles-lettres, 2015, 2, p. 109.