24/10/2011
Jean-Baptiste Clément, Chansons du peuple
Le temps des Cerises
Quand nous en serons au temps des cerises ,
Et gai rossignol et merle moqueur
Seront tous en fête.
Les belles auront la folie en tête
Et les amoureux du soleil au cœur.
Quand nous en serons au temps des cerises
Sifflera bien mieux le merle moqueur.
Mais il est bien court le temps des cerises,
Où l’on s’en va deux cueillir en rêvant
Des pendants d’oreilles,
Cerises d’amour aux robes pareilles,
Tombant sur la feuille en gouttes de sang.
Mais il est bien court le temps des cerises,
Pendants de corail qu’on cueille en rêvant.
Quand vous en serez au temps des cerises,
Si vous avez peur des chagrins d’amour
Évitez les belles.
Moi qui ne craint pas les peines cruelles,
Je ne vivrai pas sans souffrir un jour.
Quand vous en serez au temps des cerises,
Vous aurez aussi des chagrins d’amour.
J’aimerai toujours le temps des cerises :
C’est de ce temps-là que je garde au cœur
Une plaie ouverte,
Et dame fortune, en m’étant offerte,
Ne saurait jamais calmer ma douleur.
J’aimerai toujours le temps des cerises
Et le souvenir que je garde au cœur.
Paris-Montmartre, 1866
Jean-Baptiste Clément, Chansons du peuple, Le Temps des Cerises, 2011, p. 59-60.
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20/04/2011
La Commune de Paris : une exposition
L’exposition sur la Commune à la mairie de Paris (du 18 mars au 28 mai 2011) présente une documentation précieuse, des affiches, des lithographies et des photographies, notamment celles des barricades par Bruno Braquehais et Auguste-Hippolyte Collard, celles aussi des hommes et des femmes qui constituaient la Commune. L’ensemble est fort bien présenté et, pourtant, provoque le malaise : les choix d’une bonne partie des images retenues pour illustrer la Semaine sanglante (21 au 28 mai 1871), relèvent d'une idéologie favorable aux Versaillais. Au cours de cette semaine, les massacres se succédèrent, mais l’iconographie privilégie les images des bâtiments incendiés par les Communards et celles des carcasses de ces lieux détruits. Peut-être aurait-il fallu préciser qu’aux yeux des Communards ces lieux étaient d’abord des symboles d’un pouvoir rejeté ? Le commentaire à propos de l’incendie de l’Hôtel de Ville est une lamentation sur la perte « d’ouvrages remarquables », des archives et de la bibliothèque, mais il aurait fallu aussi se lamenter sur les atrocités des Versaillais, et ne pas se contenter de donner sans commentaire la phrase de Mac-Mahon : « Aujourd’hui [le 28 mai] la lutte est terminée : l’ordre, la travail et la sécurité vont renaître ».
On cherchera en vain des documents relatifs à l’envoi au bagne des Communards qui avaient échappé aux massacres, comme si cette répression n’avait rien à voir avec la Commune elle-même. Pas plus présents les livres sur la Commune — Louise Michel n’a-t-elle donc rien écrit ? Un Dictionnaire de la Commune (celui de Bernard Noël) n’est-il pas disponible ? mais on trouve dans des vitrines quelques-uns des carnets de Parisiens opposés à la Commune… Enfin, comment ne pas juger étrange l’absence d’un catalogue qui aurait réuni la documentation, si partiale soit-elle ? On se demande si ces courtes semaines de 1871 ne continuent pas à effrayer les bien-pensants… Il faut peut-être attendre le cent cinquantenaire de la Commune, en 2021, pour une exposition digne de ce nom. En attendant, on se reportera au site de la mairie du 20e arrondissement et à l’excellent site consacré à la Commune : http://lacomune.perso.neuf.fr
Victor Hugo, qui ne fut pourtant pas un Versaillais, rejetait la Commune ; il écrivait de Bruxelles le 28 avril : « Depuis le 18 mars, Paris est mené par des inconnus, ce qui n’est pas bon, mais par des ignorants, ce qui est pire. À part quelques chefs, qui suivent la foule plus qu’ils ne guident le peuple, la Commune, c’est l’ignorance. Je n’en veux pas d’autre preuve que les motifs donnés pour la destruction de la Colonne, ces motifs, ce sont les souvenirs que la Colonne rappelle. »1 Ignorants donc, et inconnus, les 33 ouvriers, 12 journalistes, 14 employés, etc., qui dirigèrent la Commune… Peu d’écrivains y participèrent, et si l’on se souvient encore de Vallès, Henri Rochefort est oublié et l’enseignement ne fait aucune part à Eugène Pottier (2), qui n’a pas écrit seulement L’Internationale ; exilé aux Etats-Unis, militant socialiste, il pensait que seules les rencontres fréquentes entre ouvriers de tous les pays pouvaient s’opposer aux dégâts du capitalisme, et il écrivait en 1875, à l’occasion de l’Exposition de Philadelphie :
« Que de peuple en peuple on se voie,
Qu’on tienne congrès sur congrès,
Le travail, pour changer de voie,
A forgé les rails du progrès » (p. 118)
Quant à Courbet, condamné pour sa participation à la descente de la colonne Vendôme, mort dans l’exil en 1877, c’est sans doute le tableau « L’origine du monde » qui lui assure aujourd’hui sa renommée.
Quel intérêt la Commune a-t-elle pour la littérature ? Directement, aucun. Mais ses projets ouvraient la voie à un développement considérable de la formation intellectuelle du plus grand nombre, condition nécessaire pour une diffusion générale de la culture. Par exemple : suppression du travail de nuit, constitution d’une chambre fédérale des travailleuses, séparation de l’Église et de l’État, suppression du budget des cultes, gratuité totale des fournitures scolaires, etc. Ces mesures auraient ébranlé les fondements du pouvoir et toutes les composantes de la classe dirigeante s’unirent pour abattre la Commune. Il faut se souvenir des mots de Thiers : « Le sol est jonché de leurs cadavres. Ce spectacle affreux servira de leçon ».
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