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27/11/2014

Gertrude Stein, Autobiographie de tout le monde

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                      Gertrude Stein par Picasso, 1906

 

   Mon écriture est aussi limpide que la boue, mais la boue se dépose et les courants d'eau claire filent et disparaissent, peut-être est-ce là la raison mais il n'y a vraiment pas de raison sinon que la terre est ronde et que personne ne connaît les limites de l'univers c'est l'ensemble de ce qui concerne les hommes et les femmes qui est intéressant. Tout le reste c'est la nature humaine et j'ai écrit Alice Toklas dit et elle a toujours raison à tel point que je lui demande souvent si cela ne la fatigue pas que tout compte fait j'ai trop écrit sur ce qu'est la nature humaine.

   Donc nous sommes allées à la campagne comme d'habitude avant d'aller en Amérique toutefois nous ne savions pas encore vraiment que nous allions partir en Amérique.

   Vous devez continuer à raconter quelque chose bien qu'en ce moment il y ait toujours de moins en moins à dire, c'est-à-dire qu'y a-t-il, la terre est ronde et même les avions sont obligés d'y revenir. Et alors naturellement il y a moins de commencement et de milieu et de fin qu'il y en avait avant et les romans ne sont donc pas très bons à notre époque sauf s'il s'agit de romans policiers où le héros est le mort et de ce fait il ne peut y avoir ni commencement ni milieu ni fin puisqu'il est mort. Ce qui me tracasse dans les romans policiers, c'est qu'ils ne vous disent pas où est passé l'argent. Je suis de plus en plus persuadée que la seule différence entre les hommes et les animaux c'est que les hommes peuvent compter et pas les animaux et s'ils comptent ils comptent surtout de l'argent, et une des choses que j'ai vraiment aimées chez Napoléon c'est son habitude de calculer les dépenses quotidiennes de chacun des personnages des histoires qu'il lisait. Cela m'a toujours considérablement intéressé dans les romans anglais, aujourd'hui eh bien l'argent dans les détails a un peu perdu de sa signification, quoi qu'il en soit vous êtes forcé d'en avoir même si les points de détail sont moins fascinants que jadis dans les vieux romans et c'est vraiment pourquoi les romans ne sont vraiment pas bien écrits aujourd'hui c'est vraiment à cause de cela.

 

Gertrude Stein, Autobiographie de tout le monde [Everybody's autobiography, 1937], traducteur non indiqué, "Fiction & Cie", Seuil, 1978, p. 123.

 

                               

                                            

z : , série de 4 plaquettes, 9 €

   Les revues consacrées à la poésie sont aujourd'hui relativement nombreuses sur la Toile et personne ne s'en plaindra. Leur présence n'a pas, bien heureusement, fait disparaître les revues sur papier, même si beaucoup vivent difficilement, et il faut se réjouir quand un nouveau titre apparaît : le maintien de l'écrit sur un support papier est essentiel pour la transmission de la littérature. Deux ou trois par an, z : propose 4 petites plaquettes insérées dans une enveloppe translucide de petit format (16, 5 x 11, 5), chacune renfermant un poème plus ou moins long ; cette année, au salon de la revue en octobre, z : présentait sa troisième série. La revue a été créée et est animée par trois jeunes poètes, Marie de Quatrebarbes, Maël Guesdon et Stéphane Korvin — ce dernier, également dessinateur, est aussi responsable de la revue aka.

   Les titres de la seconde série évoquent des animaux, prétexte dans les quatre textes à des variations sur les mots pour Cécile Mainardi : « je suis la girafe à peine représentée / qui s'encastre le mieux / dans la glace laissée vide par le mot girafe »  ("la place de la girafe"), comme pour Martin Richet ("génération de l'animal"), Maël guesdon ("catiches" — Littré : « Trou où se cachent les loutres et les autres amphibies, sur les bords des rivières et des étangs ») et Caroline Sagot-Duvauroux avec un titre programme ("mouches à histoires").

   Le lecteur s'apercevra que les animaux ne sont pas absents de la troisième série, liés à la liberté du sauvage (la wilderness de l'anglais) chez Fabienne Raphoz ("mal au dos"), rattachés notamment à l'opéra, au mythe d'Actéon et aux dessins de Magali Lambert pour Arno Bertina ("bigger than life"), provoquant la mise en mouvement d'énumérations pour Anne Kawala ("fly"), suscitant pour Stéphane Bouquet une errance d'une pinède à un parking « où les camping-cars sont en vacances / les enfants jouent entre les voitures [et] les chiens attachés ».

   Comme beaucoup de revues, z : n'est pas très visible, trop peu de librairies accueillant les livres de poésie et les revues. On peut commander une ou plusieurs séries directement : zdeuxpoints@gmail.com,ou les acheter dans quelques librairies, à Paris (librairie Texture, librairie Corti) et à Nantes (librairie Vent d'ouest) et, par ailleurs, on se réjouira de consulter le site de la revue : http://zdeuxpoints.tumblr.com/

 

                                 Note publiée sur Sitaudis le 23 novembre 2014