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27/11/2012

Gérard Titus-Carmel, Ici rien n'est présent

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                                    Angle mort

J'appuie le front contre ma paume, le coude bien planté au bord du monde et, les yeux grand ouverts, je disparais lentement en moi.

 

Pourtant ma mémoire pèse de tout son poids, cherchant un point d'équilibre entre ce qu'elle tisonne infiniment et ce qu'elle s'obstine à oublier. La conque amie de la main devient alors tiédeur et confidence, que la nuit seule parvient à distraire Mais déjà au silence de mon corps j'ai gagné une contrée, une terre d'innocence. Et j'attends.

 

(L'attente, c'est cet animal sans nom, recroquevillé dans le contre-jour de la chambre, comme à l'angle perdu de la nuque : il tremble de tous ses membres sans que cela se voie vraiment, et c'est pitié. Mais les murs se resserrent autour de lui, qui n'est plus que boule et terreur.

 

Et je m'avance dans l'attente, c'est-à-dire vers l'ombre de la bête innommée, suffocante.

 [...]

Gérard Titus-Carmel, "Angle mort", dans Ici rien n'est présent, Champ Vallon, 2003, p. 49-50.