01/10/2019
Jean-Loup Trassard, L'érosion intérieure
(...) Maintenant j’écoute les plantes se taire, les velues et celles qui sont sèches craquer, lancer au loin leurs graines. L’homme tombe à genoux dans les avoines grises et la vie s’en va, voleuse, telle que venue. Entré dans la campagne sans savoir l’importance de cet acte, ayant grandi entre les calendriers de papier et les outils au manche courbé par les mains, il ne faut pas franchir le seuil du retour les yeux encore fermés.
Avec les plantes qui me sont liées depuis l’enfance, je boirai aux venins de la terre. Je sortirai et je me coucherai sur le sol respirant dans la nuit éclaircie du matin pour voir les toiles d’araignée se croiser au-dessus de ma figure. Pour voir encore, même sous mes paupières closes, la prise d’empire sur les rosées par le premier soleil pénétrant dans le bois.
Jean-Loup Trassard, L’érosion intérieure, Le Chemin / Gallimard, 1965, p. 81-82.
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