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18/12/2024

Hommage à Jacque Roubaud (1932-2024) : ϵ

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combien de poignées de neige    jetions-nous sur les fleurs  grises

les pivoines de fumer alors en jouant combien  sur  les  remparts

dans les sentiers couverts de neige combien de neiges  terriennes

jetions-nous   sur les  buissons  osselets   la prunelle  la   ronce  la

réglisse le houx

 

savions-nous  combien  peu  durerait  le  manteau de neige  dans

les vignes       les manches  sous les ronces  noires ou crevées dans

l’aire aux barbes des  épis.       combien  peu de  neiges  nouvelles

fondraient à des anneaux de fer      ou sur  la brique du  foyer sur

l’artère assombrie des braises

 

la neige était précieuse amande    sur et tendre peu     de jours de

peu même pas  toutes les  années      ah garde vif le goût de neige

quand il faisait tomber le vent    sur le parchemin des sous-bois le

golfe inerse des corneilles

 

quand nous éprouvions qu’il n’est  que  quelques neiges capables

d’un creux dans la mémoire      capables d’éblouissantes fougères

fraîches       sur une vitre qu’une  bouche à l’aube couvre de buée

 

Jacques Roubaud, ϵ, Gallimard, 1988, p. 22-23.

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