21/11/2021
Aragon, Les Chambres
VI
Toutes les chambres de ma vie
M’auront étranglé de leurs murs
Ici les murmures s’étouffent
Les cris se cassent
Celles où j’ai vécu seul
À grands pas vides
Celles
Qui gardaient leurs spectres anciens
Les chambres d’indifférence
Les chambres de la fièvre et celle que
Que j’avais installée afin d’y froidement mourir
Le plaisir loué Les nuits étrangères
Il y a des chambres plus belles que blessures
Il y a des chambres qui vous paraîtront banales
Il y a des chambres de supplications
Des chambres de lumière basse des
Chambres prêtes à tout sauf au bonheur
Il y a des chambres à jamais pour moi de mon sang
Éclaboussées
Toutes les chambres un jour vient que l'homme s'y
Écorche vif
Qu'il y tombe à genoux qu'il demande pitié
Qu'il balbutie et se renverse comme un verre
Et subit le supplice épouvantable du temps
Derviche lent le temps est rond qui tourne sur lui-même
Qui regarde d'un œil circuklaire
L'écartèlement de son destin
Et le petit bruit d'angoisse avant les
Heures les demies
Je ne sais jamais si cela va sonner ma mort
Toutes les chambres sont chambres de justice
Ici je connais ma mesure et le miroir
Ne me pardonne pas
Toutes les chambres quand enfin je m'endormis
Ont été sur moi la punition des rêves
Car je ne sais des deux le pis rêver ou vivre
Aragon, Les Chambres, dans Œuvres poétiques complètes, II, Pléiade/Gallimard, 2007, p. 1113-1114.
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