Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

19/05/2015

Alain Veinstein, Dix pas avant les ruines

648x415_ecrivain-animateur-radio-alain-veinstein-2010.jpg

[...]

Pour commencer, je tourne le dos au passé, à l’enfance où il y a la mort...

 

Hors de ses jambes, pour que la phrase ne se referme pas...

 

Ce n’est pas le dernier jour... Au début, il faut écrire sans amour...

 

Pas question de décrire les lieux, les personnages... Pas trace d’affaire d’homme... Je refuse l’aide d’une description de la terre... Je ne tire pas profit d’une scène... d’un concours de circonstances qui m’aurait permis de franchir un grand pas... D’un trait de plume, j’écarte les événements : personne, rien... Je ne m’appuie sur personne et sur rien...

 

De la précarité, je fais un théâtre... Enfance encore... Difficile  de s’arracher ces lambeaux d’enfance... Et cette haine qui me tient... Face au personnage féminin, je puise dans la haine mon désir de l’ouvrir... Je rêve de mise à nu, de sang... Ce n’est pas une violence mauvaise... C’est mon amour, de très loin, hors de portée des lèvres... Je dis mon amour, étourdi encore, désarmé par le bruit d’un pas... Désarmé comme par le fracas, plus haut, de la caisse... J’ai fait un pas et, à chaque pas, s’enfonce une dernière demeure.

 

J’ai fait un pas et rêve d’un autre pas comme au début de la vie... Presque la force d’écrire à bout portant...

 

Je parle du premier pas à partir de la mort... Un temps lointain... Quelques arpents de terre où j’aurais trouvé ma nourriture... Toute  une histoire... Je me souviens de quelques pas perdus... Et de la peur, rencontrée à chaque coin de phrase...

[...]

 

Alain Veinstein, Dix pas avant les ruines, dans L’introduction de la pelle, Seuil, 2014, p. 357-359.

Les commentaires sont fermés.