09/04/2014
Barbara Cassin, La nostalgie
Quand donc est-on chez soi ? Quand donc Ulysse est-il chez lui ? Quand il est oikade, à la maison ? Trois jours, le temps de tuer les prétendants et les servantes infidèles, le temps de se faire reconnaître par Télémaque - le chien Argos - le porcher Eumée - la nourrice Éuryclée - les bonnes servantes - Pénélope - Laërte - tous ceux d'Ithaque ? De passer la longue nuit avec Pénélope ? Un si bref laps de temps par rapport à l'errance : chez lui trois jours en vingt ans ?
Ou bien quand il repart, jusqu'à ce que... Jusqu'à ce qu'il arrive en un endroit où ce qu'il est, ce qui le détermine pour le meilleur et pour le pire, la mer, ses tempêtes, ses sirènes, ses naufrages, ses esquifs ses îles, soir radicalement inconnu ? Mais alors, cela ne veut-il pas dire qu'il est chez lui partout ailleurs que dans cet improbable ailleurs ? Chez lui, c'est la Méditerranée. Son identité, son « lui » et son « chez lui » se sont étendus aux limites du monde connu.
Barbara Cassin, La nostalgie, éditons Autrement, 2013, p. 57-58.
De Chirico, Le retour d'Ulysse, 1973
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