27/12/2013
Jean Tardieu, Jours pétrifiés
Dialogues pathétiques
I
(Non ce n'est pas ici)
J'aperçois d'effrayants objets
mais ce ne sont pas ceux d'ici ?
Je vois la nuit courir en bataillons serrés
Je vois les arbres nus qui se couvrent de sang
un radeau de forçats qui rament sur la tour ?
J'entends mourir dans l'eau les chevaux effarés
j'entends au fond des caves
le tonnerre se plaindre
et les astres tomber ?...
— Non ce n'est pas ici, non non que tout est calme
ici ! c'est le jardin voyons c'est la rumeur
des saison bien connues
où les mains et les yeux volent de jour en jour !...
IV
(Responsable)
À Guillevic
Et pendant ce temps-là que faisait le soleil ?
— Il dépensait les biens que je lui ai donnés.
Et que faisait le mer ? — Imbécile, têtue
elle ouvrait et fermait des portes pour personne.
Et les arbres ? — Ils n'avaient plus assez de feuilles
pour les oiseaux sans voix qui attendaient le jour.
Et les fleuves ? Et les montagnes ? Et les villes ?
— Je ne sais plus, je ne sais plus, je ne sais plus.
Jean Tardieu, Jours pétrifiés, Gallimard, 1948, p. 59 et 62.
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