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29/11/2013

Johannes Bobrowski, Boehlendorff et quelques autres

     

                  Une semaine avec les éditions La Dogana

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                                  C'était vraiment fini

 

   Le matin, en septembre le matin, quand j'allais à la gare, traversant la place aux taxis trempés de rosée qui étaient dans leur premier sommeil, quand le brouillard ténu passait sur les étendues herbeuses et autour des arbustes et qu'Orphée, devenu vieux, arrivait en se traînant, dans ses pantoufles larges qui pendillaient, pour reprendre sa place à l'Institut pour nécessiteux, y lire des inscriptions, y ajouter quelque chose, sans espoir, quand le garçon, sur la chemin de l'école, venait du tramway, tous les matins, alerte et tendu, mais déjà avec le visage, les yeux d'un ivrogne, un petit pli à la racine du nez, gai et déjà une touffe de cheveux sur le front, mouillée et tortillée, comme l'aigrette d'un elfe des eaux, alors je marquais toujours un arrêt devant la porte de la gare, me retournais encore une fois, pour jeter un coup d'œil sur la place, jusque là-bas, où la route goudronnée commençait, attaquait la voussure du pont, et l'église à coupoles par derrière, avant de pousser avec le pied le battant de la porte qui oscillait et de me hâter vers le guichet.

   Cela, je ne le vois plus. Je me suis installé ailleurs, dans un autre quartier de la ville. Même plus les tavernes dans les caves qui commençaient immédiatement dans les rues adjacentes et se suivaient toutes, six ou huit, des brasseries à cochers pour le café du matin, pour le kummel et l'alcool de grain, deux petits d'abord puis les trois doubles. Plus rien de cela. Car j'ai entamé une autre vie, dans une profession qui ne tolère pas ça, qui m'oblige au costume de chez le tailleur, le matin flocons d'avoine, un cigare avec le thé, et une bouteille de vin rouge le soir. On dit ça comme ça, mais c'est réellement vrai.

 

Johannes Bobrowski,  Boehlendorff et quelques autres, traduit de l'allemand par Jean-Claude Schneider, La Dogana, 1993, p. 81-82.

 

 

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