12/09/2013
Primo Levi, À une heure incertaine
12 juillet 1980
Prends patience, ma femme, ma femme fatiguée,
Prends patience à l'égard des choses de ce monde,
Et de tes compagnons de route, dont je suis,
Dès lors qu'il t'est échu de m'avoir en partage.
Accepte, au bout de tant d'années, ces quelques vers grincheux,
Pour l'accomplissement de ton anniversaire.
Prends patience, ma femme impatiente,
Toi, broyée, macérée, écorchée,
Et qui t'écorches un peu toi-même chaque jour
Pour que la chair à vif te fasse un peu plus mal.
Il n'est plus temps de vivre seuls.
Accepte, s'il te plaît, là, ces quatorze vers,
C'est ma façon bourrue de te dire chérie,
Et que je ne saurais, sans toi, rester au monde.
Primo Levi, À une heure incertaine, traduction Louis Bonalumi, préface de Jorge Semprun, "Arcades", Gallimard, 1997, p. 60.
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