29/10/2012
François Lallier, Les archétypes
Sources de la Seine
I
Les pièces sur le bitume réparé des routes
Souvent il me semble qu'elles me retiennent,
Comme des trous à la surface du temps,
Et je vois des visages, sur le chemin d'une fête.
Ce sont les visages épurés des vivants, sortis de terre,
Ayant perdu toute croyance dans la mort
Parce que baignés par l'eau invisible
Ils ne regardent que l'ici qui les entoure, où la nuit à venir
Dans le midi encore respire un vent d'étoiles.
Procession pourtant presque immobile, ils parlent,
Souriant sans raison.
Le tournant là-bas se tient dans sa courbe, et il attend
De les accueillir là où change le paysage
Sous une voûte transparente impossédable.
Leur pain a le parfum de l'inutile absinthe,
leur eau la douceur d'ombre et de cristal
Du sang dans les veines —
Comme a le rosier près de la fenêtre,
Un inexplicable cri de joie.
Et j'avance avec eux.
L'infirme trajectoire qui m'emporte
Laisse fuir l'une après l'autre mes ombres,
À chaque tour de roue j'abandonne un regard qui me ressemble
Et va demeurer là, dans un lieu devenu ma mémoire,
Et qui en vérité m'appelle.
Qu'est-ce qui relie ces lieux et ces êtres, je ne sais,
Et pas plus ce qui me relie à eux,
Je ne peux que transposer ce dévoilement et cette mémoire,
Dans les mots à la fois contingents et nécessaires.
Mon seul guide : que l'écorce du sens se recompose
Sous le rythme qui la brise, écoulement, vibration, couleur,
Luttant contre l'oubli.
François Lallier, Les archétypes, Le temps qu'il fait, 2012, p. 35-36.
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