Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

12/05/2012

Raymond Queneau, Battre la campagne, Courir les rues, Fendre les flots

Raymond Queneau, Battre la campagne, Courir les rues, Fendre les flots

           Jardin oublié

 

L'espace doux entre verveines

entre pensées entre reines-

marguerites, entre bourdaines

s'étend à l'abri des tuiles

 

l'espace cru entre artichauts

entre laitues entre poireaux

entre pois entre haricots

s'étend à l'abri du tilleul

 

l'espace brut entre orties

entre lichens entre grimmies

entre nostocs entre funaries

s'étend à l'abri des tessons

 

en ce lieu compact et sûr

se peut mener la vie obscure

le temps est une rature

et l'espace a tout effacé

 

Raymond Queneau, Battre la campagne, Gallimard,

1968, p. 83.

 

         Les entrailles de la terre

 

La bonne et douce chaleur du métro

dehors il vente il pleut il neige

il y a du verglas il y a de la boue

il y a des ouatures qui veulent vous mordre

et puis voilà le métro qui vous attend le bouche

          ouverte

oh ! la bonne la douce haleine

on descend gaiement l'escalier

il ait de plus en plus chaud

on oublie la pluie le vent la neige

le verglas la boue les ouatures

une femme charmante ou un bon noir

fait un petit trou bien rond

dans votre rectangle de carton

et vous voilà bien au chaud

dans la bonne et douce chaleur du métro

 

Raymond Queneau, Courir les rues, Gallimard,

1968, p. 96.

 

           Le cœur marin

 

Regrets perdus dans la marée

crêtes abîmées par le vent

ceux-là sans cesse ramenés

et celles-ci disparaissant

nul effluve nulle rosée

ne vient calmer le palpitant

la vague verte abandonnée

s'abat perpétuellement

tandis que chaque jour rapporte

tous ces regrets devant la porte

 

Raymond Queneau, Fendre les flots, Gallimard,

1968, p. 61.

Les commentaires sont fermés.